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avait été si glorieuse pour lui et si utile à son pays. Depuis cette mort toute récente, la question a fait du chemin. Lord Haldane s’en est expliqué l’autre jour devant la Chambre des Lords et lord Crewe l’a fait à son tour au nom du gouvernement. L’un et l’autre estiment que le système actuel des enrôlemens volontaires n’a pas fait banqueroute, certes ! mais ils admettent comme possible que des nécessités nouvelles s’imposent, et qu’il y aura peut-être lieu d’y pourvoir autrement. Sans doute, le régime des enrôlemens volontaires a tenu à ce qu’on attendait de lui, mais combien il est lent à le produire ! Avec un pays qui pousse aussi loin que l’Allemagne la perfection de la préparation militaire et qui, lui, est toujours prêt à entrer brusquement en action, combien il est dangereux de n’être prêt soi-même qu’au bout de six ou huit mois ! Si la Belgique n’avait pas résisté comme elle l’a fait, si la France ne l’avait pas fait à son tour avec une patience qu’on n’attendait pas d’elle, que serait-il arrivé ? Les Anglais ne seraient arrivés que quand tout aurait été fini sur le continent. Sont-ils bien sûrs qu’ils auraient été alors en sécurité dans leur Ile ? Qui le sait ? Mais c’est l’avenir qu’il faut voir. Nous ignorons encore jusqu’à quel point les Allemands ont dès maintenant poussé leurs progrès, mais ces progrès vont toujours en augmentant et, dans quelques années, des transformations nouvelles se seront produites dans la guerre maritime et dans la guerre aérienne. Des problèmes inquiétans sortent en quelque sorte de partout. Ils nous obligent à être toujours prêts. Si on examine à ce point de vue la question, qu’on a tant débattue depuis quelques semaines, de la participation des Japonais à une guerre européenne, on voit combien la solution en est incertaine et inefficace : incertaine, parce que les Japonais peuvent refuser de venir et que, en fait, ils ont montré jusqu’ici une grande répugnance à le faire ; inefficace, parce qu’il faudrait quatre ou cinq mois pour les transporter par mer de chez eux chez nous. A supposer qu’ils se décidassent aujourd’hui même à nous donner leur concours, nous ne devrions guère y compter avant la fin de juin, et il se passera bien des choses d’ici là. Cette considération, sans compter quelques autres, devrait nous refroidir sur la participation des Japonais à la guerre. Nous n’avons d’ailleurs pas vu sans quelque confusion ses partisans les plus chaleureux offrir aux Japonais, qui ne demandaient rien de pareil, nos colonies d’Extrême-Orient : — Voulez-vous toute l’Indo-Chine ? Vous contenterez-vous du Tonkin ? — Il y a des inconvéniens, on peut nous en croire, à professer ouverte vient un tel détachement de colonies qui nous ont coûté si cher. Mais passons :