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plus désespérée, elle a remporté sur l’armée autrichienne une victoire écrasante. Ce n’est d’ailleurs pas seulement en Serbie que l’armée autrichienne a éprouvé des revers ; elle n’a guère été plus heureuse en Galicie. Déjà l’armée russe occupe les défilés des Carpathes, prête, dès la fonte des neiges, à entrer en Hongrie et à marcher sur Pest. Sur les autres champs de bataille les armées en présence se sont tenues mutuellement en respect et, si on aperçoit déjà de quel côté le fléchissement final doit avoir Heu, il ne s’est pas encore produit. Il n’en est pas ainsi en Galicie. Le territoire allemand n’a pas été envahi ; le territoire autrichien l’a été, et le mal paraît très grave. Que faire pour le réparer ?

À dire vrai, nous n’en savons rien, et nous ne croyons pas que l’Autriche-Hongrie puisse échapper tout à fait aux conséquences de ses fautes ; elle les expiera cruellement. Mais le comte Tisza a un tempérament de lutteur, et il veut lutter. Nous le verrons à l’œuvre. Il estimait que le comte Berchtold, dont le tempérament est très différent du sien, lui donnerait dans ce combat pour la vie un appui insuffisant : voilà pourquoi le comte Berchtold est tombé de la scène. Le baron Burian y fera-t-il meilleure figure ? Y sera-t-il plus heureux ? Son premier acte a été d’adresser à M. de Bethmann-Hollweg un télégramme sans fierté, auquel le chancelier allemand a répondu avec une condescendance protectrice. « Je prie Votre Excellence, a dit le ministre autrichien, de me prêter dans l’exercice de mes fonctions, pleines de responsabilité, le même appui vigoureux qu’elle a prêté à mes prédécesseurs pour le maintien des rapports intimes et empreints de confiance avec le gouvernement impérial allemand. » À quoi le chancelier a bien voulu répondre : « Votre Excellence peut être assurée de ma plus confiante collaboration et de mon appui sans réserve pour l’accomplissement des tâches, etc. » Voilà qui est bien ; mais si l’appui et la collaboration de l’Allemagne ne sont pas plus utiles au baron Burian qu’ils ne l’ont été au comte Berchtold, nous plaignons le nouveau ministre. L’Autriche-Hongrie ferait sans doute mieux d’attendre son| salut d’elle-même que d’un allié dont la toute-puissance est déjà irrémédiablement brisée.

Il semble qu’elle en ait eu parfois l’intuition fugitive ; mais les velléités dont on a cru apercevoir quelques vagues symptômes n’ont pas encore pris corps. Le prendront-elle s jamais, ou plutôt le prendront-elles avant qu’il n’en soit plus temps ? Pendant qu’on réfléchit, qu’on délibère, qu’on tâtonne à Vienne et à Pest, les événemens marchent. Nous avons parlé, il y a quinze jours, des manifestations