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ailleurs. Elle a une armée excellente, instruite, bien outillée, composée de 500 000 hommes, sinon de davantage : elle ne saurait disposer d’un argument plus solide dans le conflit politique où elle se trouve déjà engagée par ses déclarations.

On le sent si bien à Berlin et à Vienne qu’on semble avoir renoncé aux promesses pour mettre en œuvre d’autres moyens d’action, c’est-à-dire la menace. Mais comme on craint que la menace d’avoir affaire à l’armée autrichienne ne fasse pas suffisamment peur, on montre à sa place l’épouvantail d’une armée allemande : humiliation nouvelle à laquelle l’Autriche consent. Les Italiens pourraient avoir l’idée de marcher sur le Trentin : on y découvre depuis quelques jours de nombreux officiers allemands, et il est à croire qu’on en découvre aussi du côté de l’Istrie. Qu’y a-t-il derrière cette façade ? Peu de chose sans doute. L’Allemagne n’a pas trop de toutes ses forces pour faire front contre les Russes et contre nous : elle aurait tort d’en distraire une partie de quelque importance pour les porter ailleurs. Le bruit court néanmoins que des troupes autrichiennes seraient envoyées dans les Flandres pour guerroyer contre nous, et qu’elles seraient remplacées à Trente, à Trieste, au Nord et au Sud des Carpathes par des troupes allemandes. Ce serait une manière de dire aux Italiens et aux Roumains : — Prenez garde et regardez bien à quoi vous vous exposez. Vous croyez que vous n’aurez affaire qu’aux Autrichiens ; cela explique votre audace et votre confiance ; mais vous aurez affaire à nous. Allemands ; vous connaissez notre force, elle doit vous faire trembler ! — On saura bientôt si les Roumains et les Italiens tremblent en effet devant la force allemande. S’ils le font, s’ils hésitent, s’ils s’abstiennent, s’ils laissent passer l’occasion qui ne revient pas, ils le regretteront longtemps. Dans le cas contraire, tout favorisera leur succès. Il y a quelques chances à courir, à la vérité, dans une politique d’intervention et d’action ; mais qui ne hasarde rien n’a rien. Ne rien hasarder, ou du moins ne le faire qu’au dernier moment, et pour l’effort le plus infime possible, est une politique qui a réussi quelquefois ; on comprend que les esprits ingénieux et subtils s’y complaisent ; mais elle est dangereuse et fertile en déceptions. La Roumanie et l’Italie abandonneraient-elles le certain pour l’incertain ?

On s’explique davantage l’inquiétude qui s’est répandue en Hongrie à la suite des revers de l’Autriche en Galicie. L’armée autrichienne n’est plus une couverture suffisante pour la Hongrie qui croyait pouvoir envahir si facilement la Serbie et qui se voit menacée elle-même d’invasion. Des préoccupations nouvelles se sont emparées