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Memorandum est trop long pour pouvoir être reproduit en entier, et c’est dommage. On y verrait à quel point la rage de l’Allemagne est excitée contre l’Angleterre. C’est l’Angleterre, à l’entendre, qui dans cette guerre viole toutes les règles du droit des gens. Personne ne s’en était aperçu jusqu’à présent, personne ne le lui avait reproché ; le gouvernement américain lui avait bien fait quelques représentations contre la gêne apportée à son commerce maritime par la multiplicité des arrestations et des saisies de navires, mais de part et d’autre on avait fait preuve d’un égal souci de régler l’affaire à l’amiable, et il était évident qu’elle n’aurait pas de suites graves. Il a fallu l’intervention de l’Allemagne pour changer la face des choses. Autant le langage du gouvernement américain avait été amical, malgré quelque rudesse de forme, autant celui du gouvernement allemand a été menaçant et brutal. On sent que ce réquisitoire contre l’Angleterre est l’effet d’une déception causée par les États-Unis. L’Allemagne avait un moment espéré que le dissentiment s’aigrirait entre Londres et Washington, qu’elle en ferait son profit, que la mauvaise humeur des neutres tournerait à son propre avantage. Il n’en a rien été. On sait qu’il y a beaucoup d’Allemands en Amérique : ils y forment même aujourd’hui un parti et ce parti est devenu très ardent, très remuant, très exigeant depuis le commencement de la guerre. Il a fait un grand effort pour entraîner avec lui, d’abord l’opinion, qui n’a pas tardé à lui échapper, puis le gouvernement, sur lequel il croyait avoir des moyens d’action. Ses journaux ont attaqué M. Wilson ; ils l’ont accusé de ne pas tenir la balance égale entre les belligérans et d’être sorti des règles de la neutralité. Assertion toute mensongère. Le gouvernement américain a pratiqué consciencieusement les règles du droit des gens telles qu’elles sont connues jusqu’à ce jour ; mais l’Allemagne en a inventé de nouvelles. Pour la satisfaire, les États-Unis auraient dû rétablir artificiellement l’égalité entre les belligérans et, pour cela, supprimer la liberté des mers. Étrange prétention, en vérité ! M. Stone, président du Comité sénatorial des Affaires étrangères, s’en est fait l’organe, au retour, dit-on, d’un voyage dans le Missouri où les Allemands dominent, et il a adressé une longue lettre à M. Bryan pour le mettre en demeure de répondre aux griefs articulés contre lui. Longue aussi a été la réponse de M. Bryan : elle se compose de vingt paragraphes dont quelques-uns sont des chefs-d’œuvre du genre. Les principes essentiels du droit maritime y sont maintenus avec non moins de fermeté que de précision. La réponse de M. Bryan à M. Stone deviendra un monument précieux auquel on aura souvent