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toutes ses forces, la transfigurait. Les commerçans le comprirent ; secondant l’action du gouvernement, ils décidèrent avec un patriotisme éclairé de participer à l’Exposition de San Francisco, sous l’égide du Comité français des expositions à l’étranger.

La France, déjà fière des premières victoires, pouvait venir à San Francisco, sinon encore dans l’allégresse de la paix, du moins dans la gravité mélancolique et confiante de l’épreuve noblement supportée.


III

Dans cette Exposition qui, par la gaieté lumineuse de la Tour scintillante de bijoux, exprime, sous le signe brillant de la richesse, l’intraduisible allégresse d’une ascension vers la prospérité, une nation satisfaite de son œuvre célèbre de pacifiques triomphes. Mais, à l’extrémité, vers le Presidio, la note de joie s’atténue ; l’harmonie générale des couleurs et des lumières, sans jamais cesser, diminue. Des constructions de types variés joignent, aux limites du terrain, sur la frontière de l’Exposition, des styles différens et des pensées étrangères. C’est le quartier des Nations, le carrefour où, après s’être rencontrées symboliquement aux sommets des arcs de triomphe, elles se retrouvent dans la libre émulation de leur goût et de leur art, sous l’abri de pierre que chacune s’est construit à l’image des demeures, châteaux ou palais, de son pays. Ici, des drapeaux flottent, qui s’élèvent au loin dans l’ardente mêlée des armes. Et, parmi tant d’autres couleurs, entre celles d’Italie et du Japon, s’animent et palpitent, au mouvement pressé d’une brise rapide, celles de France.

Là, plus de place pour le scintillement des brillans, la fantaisie des lignes ou la joie des couleurs. Fidèle à la grande tradition nationale de l’Art classique, la France qui, à Saint-Louis, en 1904, évoquait la grâce tendre et frivole du Trianon, garde la même harmonie des lignes, la même élégance de décors, la même pureté de style. Mais elle passe de Louis XV à Napoléon, des Coquilles aux Aigles, des Nymphes aux Victoires, du Palais de l’Amour au Temple de la Gloire. Car, sous le drapeau d’étoffe qui dresse fièrement les trois couleurs, s’étend, comme un drapeau de pierre, la fidèle reproduction du délicat Palais de la Légion d’honneur. Les Parisiens n’en