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comtesse de Flandre, belle-sœur du roi des Belges. Ferdinand confiait à cette princesse, sous le sceau du secret, que Bismarck, tandis qu’officiellement il s’était prononcé contre lui, l’encourageait sous-main à résister à la Russie. À cette lettre était jointe une note sans signature que le prince Ferdinand affirmait avoir été rédigée et expédiée par l’ambassadeur d’Allemagne à Vienne et qu’il faisait tenir à la comtesse de Flandre pour lui prouver que, lorsqu’il exprimait l’espoir d’être soutenu par Berlin, il ne s’illusionnait pas.

L’idée ne vint pas à l’empereur de Russie que ces documens pouvaient être l’œuvre d’un faussaire et, malgré leur origine suspecte, il crut à leur authenticité. Si vive fut son indignation que d’abord il renonça à son voyage. Mais, bien vite, il se ravisa, soit qu’il jugeât plus habile de feindre l’ignorance, soit qu’au contraire il eût conçu le désir de provoquer une explication. Dans les derniers jours du mois de novembre, il était à Berlin. Affectueusement reçu par l’Empereur, il évita de lui faire part de son ressentiment contre le chancelier. Mais celui-ci manifestait de la nervosité. Ce n’est pas qu’il redoutât de s’entretenir avec l’impérial visiteur. Mais il se sentait en défiance auprès de lui et craignait presque de ne pas avoir d’audience particulière. Contrairement à ses craintes, elle lui fut accordée aussitôt qu’il se fut mis aux ordres du Tsar. Il s’y présenta résolu à répondre à toutes les questions qui lui seraient posées, considérant comme nécessaire de dissiper les soupçons dont il était l’objet, ce qui ne veut pas dire qu’ils fussent sans fondement.

Malgré la courtoisie de l’accueil qui lui était fait, il sentit qu’Alexandre croyait avoir à se plaindre de lui et, courant au-devant d’une explication, il lui demanda ce qu’il avait à lui reprocher.

— Votre attitude dans la question bulgare, répliqua l’Empereur.

Bismarck se récria. N’avait-il pas donné maintes fois à la Russie des preuves de son bon vouloir pour elle ? Ne s’était-il pas efforcé de seconder son action en Bulgarie ? N’avait-il pas protesté avec les grandes Puissances contre l’avènement de Ferdinand de Cobourg ? Il parlait avec une chaleur pénétrante et communicative, Alexandre l’interrompit :

— Et si je vous disais que j’ai en mains un document