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des guerres que le Madhi, puis le khalife, ne cessèrent de soutenir contre les Égyptiens, les Abyssins, les Italiens, et contre les tribus indigènes, des luttes entre ces tribus, enfin des épidémies qui furent apparemment propagées par ces hostilités continuelles.

D’après une enquête soigneusement faite par sir R. Wingate, le gouverneur général actuel, et dont les résultats sont donnés en détail par lord Gromerdans son rapport pour 1903 au Foreign Office[1], le Soudan égyptien aurait compté 8 525 000 habi-tans avant le soulèvement du Mahdi et seulement 1 875 000, vingt-cinq ans plus tard, 3 451 000 ayant été tués et le reste étant mort de maladie.

« On sera moins surpris de ces chiffres invraisemblables, ajoute lord Cromer, lorsqu’on saura qu’avant 1883, le district situé sur les bords des rivières Rahad et Dindar contenait plus de 800 villages qui tous avaient disparu en 1911. Et ce fait n’est pas exceptionnel. En voyageant dans ce malheureux pays, on rencontre à chaque pas des villes et des villages ruinés et abandonnés, d’immenses surfaces de terres naguère cultivées et actuellement couvertes de ronces et de mauvaises herbes et parsemées de ruines. Peu après la bataille d’Omdurman, Metema, ville longtemps importante, entre Berberet Khartoum, ne comptait plus que 1300 habitans dont 150 hommes seulement. Ailleurs, sur 500 hommes en âge de porter les armes, il en reste à peine une cinquantaine. »


IV

En mars 1896, le gouvernement égyptien, encouragé par le gouvernement britannique, qui subventionna l’expédition à laquelle ses troupes participèrent, décida brusquement la reconquête du Soudan. La défaite des Italiens à Adoua, grâce à laquelle le Negus reprenait toute sa liberté d’action et sans doute aussi la présence dans le Haut-Oubanghi de la mission Liotard qui avait, en février 1896, occupé la ville de Tambourah sur le Soueh, affluent du Bahr et Gazai, furent les causes de cette décision inattendue. Afin de pouvoir l’exécuter, le gouvernement khédivial demanda à la Commission internationale de la Dette publique et en obtint 500 000 livres à prélever sur le fonds de

  1. Report on the finance, administration and condition of Egypt and the Sudan 1903, p. 79-80.