Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 29.djvu/225

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la seule dimension des rubans employés, la durée, la vitesse et la pression du dégagement gazeux suivant le calibre utilisé[1]. Dans ces conditions, avec une pression maxima moins grande que celle d’une charge de poudre noire, c’est-à-dire avec une usure moindre de l’arme, on arrive, grâce à une durée beaucoup plus grande de cette pression maxima, à obtenir un effet balistique supérieur.

Par exemple, dans notre ancienne pièce de campagne de 90, — qui fait encore aujourd’hui de la terrible et bonne besogne, — on lançait un projectile de 8 kilos avec une charge de poudre noire de 1kg, 900 qui produisait une pression maxima d 2 360 kilos par centimètre carré. Aujourd’hui on lance le projectile à la même vitesse avec une charge de poudre B de 0kg, 720 seulement et une pression maxima de 1 600 kilos seulement. Si on utilisait des charges de poudre B produisant des pressions maxima égales à l’ancienne charge de poudre noire, on aurait des vitesses initiales, c’est-à-dire une justesse, une portée et une efficacité de tir bien plus considérables.

C’est ainsi que, dès 1885, la poudre B nous a permis d’accroître de plusieurs centaines de mètres la vitesse initiale de tous nos projectiles, sans rien changer à notre armement.

Tous ces progrès ont été dus surtout aux travaux de M. Vieille, dont le principal spécialiste allemand en la matière, M. Gutmon, disait, résumant un historique des poudres pyroxylées : « Toutes ces tentatives furent éclipsées par l’invention de Vieille qui en 1886 gélatinisa très soigneusement de la nitrocellulose et en fit des feuilles qu’il découpa en rubans ou en petits losanges. »

Aussi devons-nous souscrire entièrement au jugement si vrai dans sa concision qu’un éminent chimiste français, M. L.-J. Simon, à qui nous avons emprunté plusieurs élémens de cette étude, portait naguère sur « l’ingénieur qui, à peine âgé de trente ans, sans vie secours d’aucun hasard ni d’aucune collaboration, par l’effet d’une méthode parfaite au service d’une haute intelligence, dotait son pays d’une découverte qui le rendit maître de l’heure pendant deux ans… Il serait d’une monstrueuse ingratitude d’oublier le tribut de reconnaissance dû à ce grand savant et à ce grand Français. »

En outre des propriétés précédentes, les nouvelles poudres propulsives avaient ce caractère important d’être à combustion complète,

  1. Il est évident qu’avec les grands calibres la combustion de la poudre devra durer plus longtemps, puisque la durée du trajet du projectile dans l’arme est plus grande. C’est ainsi que l’épaisseur des lames employées dans la poudre pour fusils n’est que d’environ 7 dixièmes de millimètre, tandis qu’elle est dix fois plus grande dans la poudre destinée aux grosses pièces de marine.