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les époques, ce fut ainsi. « Je n’ai pas la prétention d’échapper au sort commun et je ne m’élève pas contre la sentence. Un souci d’honneur eût seul pu me déterminer à des justifications personnelles : mais mon honneur n’est ni maintenant ni plus tard à la merci de qui que ce soit ; dès que je l’estime sauf, toute autre approbation m’est inutile. » L’orgueil blessé refuse l’offense et ne réussit point à cacher sa colère. Que veut-il donc ? « A la veille de disparaître de ce monde, je veux donner une dernière preuve de dévouement à la patrie bien-aimée à laquelle j’ai consacré toutes mes pensées. Je veux la laver devant la postérité d’avoir déchaîné parmi les hommes la misère, la défiance, la haine, la barbarie. Je veux démontrer qu’en 1870 elle n’a pas été plus agressive qu’elle ne l’avait été en 1792 et en 1806 ; qu’alors comme autrefois elle a défendu son indépendance, non attenté à celle d’autrui… » Ce n’est donc pas lui que l’auteur de l’Empire libéral entend justifier : c’est la France… Substitution de personne ! dira-t-on ; mais il s’agit de vous et justifiez-vous !… Emile Ollivier, s’il dédaigne l’accusation, n’accepte pas le procès. Tout de même, les dix-sept volumes de l’Empire libéral sont bel et bien sa réplique devant l’avenir. L’Empire libéral est son apologie. La vérité, c’est qu’il n’a pas répondu aux outrages par un pamphlet. S’il n’eût souhaité que de confondre ses accusateurs et d’en appeler contre eux au public, il fallait un petit volume où fussent alignées les critiques et, mieux, les réfutations : chicane contre chicane, et l’on se hâte d’avoir eu le dernier mot. Emile Ollivier ne se vante pas, quand il affirme son mépris de tels procédés ; sa méthode a une autre allure, quand il s’avise d’opposer à une polémique tatillonne l’ample et hautaine histoire. Il substitue à sa cause la cause de la France ? On a beau jeu (et facile) à le taquiner là-dessus et à lui lancer des apophtegmes de modestie : malgré qu’on en ait, le ministère Ollivier représentait la France. Mais la France a payé les fautes du ministère Ollivier ?… C’est ici qu’à mon sincère avis l’auteur de l’Empire libéral a raison, pleinement contre ses adversaires, Oui, le ministère Ollivier, s’il n’a pas voulu la guerre, ne l’a point évitée : l’eût-il évitée, s’il avait su ne pas la vouloir avec plus de résolution, plus de netteté ? ce n’est pas évident ; c’est possible. Et admettons-le : constatons, d’autre part, que, si la France n’a pas voulu la guerre, elle ne l’a point redoutée ; certains soirs, ne l’a-t-elle pas réclamée ? Quoi qu’il