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saurait s’engager à fond. Il faut attendre que Charles-Quint empereur ait mis au service de ses projets d’hégémonie européenne « l’or du Pérou » et « la redoutable infanterie d’Espagne » pour voir sur les champs de bataille de l’Italie l’épée castillane trancher des conflits d’une portée singulièrement plus grande que ne l’ont été jusqu’alors tous ceux qui ont ensanglanté ce pays.

Le XVIe siècle verra cette mêlée, qui mettra aux prises les impérialismes rivaux des grandes puissances naissantes et les convictions opposées des masses populaires, bouleversées par les agitations de la Réforme. Mais, en 1515, aucun de ces conflits européens ne s’est posé déjà, bien qu’ils soient tous en puissance dans la constitution nouvelle des forces et des idées. Luther n’est qu’un moine hardi, en conflit avec quelques-uns de ses supérieurs ecclésiastiques ou laïques, et que d’autres ménagent par calcul politique plus encore que par conviction. Henri VIII, despotique et cruel, n’a pas davantage conçu l’ensemble de la politique qui mènera l’Angleterre au schisme. L’Europe, où fermentent déjà tant de germes d’évolutions diverses, est encore médiévale de tendances, comme de formules, qui se survivent à elles-mêmes ; elle se trouve à l’un de ces momens d’histoire, où les hommes, vieillis dans les habitudes de penser et d’agir d’une époque que leur jeunesse avait remplie d’action féconde, se voient tout à coup supplantés par une génération nouvelle qui cherche des inspirations, non dans des traditions surannées, mais dans l’étude objective des réalités qui l’entourent. Il suffit alors d’un choc extérieur plus ou moins violent pour faire mesurer tout l’abîme qui sépare les réalités actuelles des formes d’autrefois : Marignan fut un de ces chocs, et trois au moins des élémens qui avaient dominé l’Italie des âges précédens ne s’en relevèrent pas : l’Empereur, le Pape et les Suisses.


Sans doute, il y avait longtemps que l’Empereur avait cessé d’être pour l’Italie le prétendant redoutable au légendaire trône d’Occident, et l’infortuné Maximilien, sans puissance, sans argent comme sans fixité politique, n’était guère plus qu’un élément d’intrigues, dont s’accommodait fort bien la complexité des rivalités italiennes. Sans doute aussi, un autre empereur allait surgir, qui réellement, celui-là, pourrait prétendre à l’hégémonie impériale. Mais précisément, de Maximilien à Charles-Quint, l’Empire devait évoluer de l’impuissance politique du