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hétéroclites, chacun des gouvernemens, entre lesquels le Congrès de Vienne avait partagé de nouveau son Allemagne, s’était efforcé de suivre les erremens français dans le service des besoins individuels, locaux et régionaux, et, de 1815 à 1870, la plupart de ces gouvernemens particuliers, d’un esprit plutôt libéral et d’une honnêteté soigneuse, avaient travaillé de leur mieux au bien-être et au progrès de leurs États. Mais les efforts de ces petits souverains restaient limités aux frontières de leurs petits domaines ; la défiance et la jalousie, sans parler des barrières douanières ni des différences de législation, de monnaies et de mesures, interrompaient ou supprimaient les communications de l’un à l’autre ; le particularisme politique lésait grandement les intérêts généraux du commerce et de l’industrie et il ne pouvait en aucune façon les servir.

L’Empire, unifiant l’Allemagne, la dota d’une constitution qui ne supprima ni ces organismes, ni ces pouvoirs antérieurs : il ne leur enleva même aucune de leurs attributions pour la gérance des intérêts régionaux ; il leur laissa l’étude des besoins locaux ou particuliers et le maniement des fonds que chaque État jugeait bon de consacrer à ces usages. Mais il leur surajouta un organisme fédéral qui eut le temps et le pouvoir d’étudier et de servir les besoins communs de la nation tout entière. Il y eut désormais une division rationnelle du travail administratif et législatif, qui donna aux efforts de tous les pouvoirs constitués leur plein rendement : le pouvoir central ne fut pas surchargé ; la vie locale ne fut pas étouffée ; chacune des grandes et petites régions continua de discuter et d’arranger ses affaires, d’organiser son territoire, de rechercher et d’obtenir l’amélioration de son existence propre ; chacune des capitales secondaires, restant un centre de décision plénière et d’autorité responsable, resta un centre de volonté, d’efforts et de progrès.

Voilà, à n’en pas douter, l’une des causes principales de la fortune allemande, de l’activité allemande tout au moins, durant les quarante années dernières : sur ce point, on ne saurait estimer trop haut le rôle de l’Empire dans le réveil économique de la nation, ni l’heureuse habileté de Bismarck dans sa combinaison de pouvoirs étagés. Si la France veut, après cette guerre, réparer au plus vite ses ruines de tout genre, rendre à ses provinces leur capacité et leur volonté de vivre, dégager son