Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 29.djvu/414

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jusqu’au jour où l’ingénieur français du XVIIIe siècle et des temps napoléoniens reprit, avec de nouveaux matériaux et suivant d’autres profils, la besogne routière.

Mais au cœur du Harz, dans les ténèbres de la forêt Hercynienne, et, plus au Nord, dans la fangeuse et fluide « Plate Allemagne » des côtes, jamais la route romaine n’avait pénétré : après les malheureux essais d’Auguste et de Tibère, Rome avait dû renoncer à franchir le Rhin ; elle n’avait pas pu tirer ses avenues rectilignes dans ces massifs repliés, vallonnés, traîtreusement marécageux, ni fixer ses dalles sur ces boues en perpétuel écoulement, et, dix-huit siècles après Auguste, Napoléon avait été tout aussi impuissant à y établir ses chaussées : avant les chemins de fer, cette forêt et cette plaine allemandes n’avaient jamais connu les droites et solides routes humaines.. Mais par la nature même de leur sol facile à remuer, par leur manque de reliefs abrupts, elles étaient comme destinées à porter aisément le rail et à laisser courir la locomotive. La voie ferrée devint pour elles, comme pour l’Amérique, le moyen principal de communication.

Avant l’Empire bismarckien, l’Allemagne du Zollverein avait déjà plus de kilomètres ferrés que la France de la même époque : 20 000 kilomètres. Mais l’Empire, durant les sept premières années de son existence (1871-1878), augmenta de 50 pour 100 la longueur de ce réseau pour les besoins de son unification politique et de son organisation militaire. Puis, — de 30 000 kilomètres en 1878, — le réseau s’allongea de 10 000 kilomètres encore durant les dix années suivantes (1878-1888), pour les besoins de l’industrie et du commerce qui commençaient, en tâtonnant, de conquérir le droit à la vie européenne- Puis, de 1890 à 1912, pour prendre leur essor mondial, l’industrie et le commerce demandèrent sans cesse de nouveaux kilomètres et les obtinrent : à la fin de 1912, l’Allemagne avait environ 63 000 kilomètres ferrés ; en quarante ans, l’Empire avait construit 43 000 kilomètres, triplé le réseau de 1870 et laissé bien loin derrière lui la France et ses 50 000 kilomètres d’intérêt général.

Solidité, multiplicité, simple et pratique agencement de voies doublées, triplées et quadruplées ; vaste ampleur et commode agencement des stations, de leurs dégagemens et de leurs abords ; kolossales et fastueuses constructions de gares, de