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gouvernement de défense nationale. Approuvés par le parti, Guesde et Sembat acceptèrent le 26 août, quand le péril devenait pressant. Il ne s’agit pas de gouverner, disait Guesde, mais de combattre l’incendie qui menace de dévorer la maison que nous occupons avec d’autres et dont nous hériterons un jour.

Les syndicalistes les plus ardens se déclaraient prêts à tous les sacrifices qu’exigeait le salut de la patrie. Le prolétariat français était acquis, sans arrière-pensée, à cette cause sacrée entre toutes.

Les idées pacifistes ont poussé, en Angleterre, des racines plus profondes que partout ailleurs. Le sol anglais, dans les temps modernes, n’a jamais été foulé par l’envahisseur. Le 3 août, John Burns et deux autres ministres libéraux donnaient leur démission : Burns, ancien ouvrier, sans fortune personnelle, renonçait ainsi à un traitement annuel de 120 000 francs, plutôt que de collaborer à une politique guerrière. A l’extrême gauche socialiste, Keir Hardie se prononçait, dès l’origine, contre la campagne des enrôlemens volontaires et dans de nombreux meetings ouvriers il poussait à la grève si dangereuse des industries militaires. Les socialistes français tentaient en vain de le détourner de cette sorte de trahison, tandis que le Vorwaerts portait aux nues cette inébranlable fidélité aux principes de l’Internationale. Mais les deux millions de trade-unionistes secondaient de toutes leurs forces l’action gouvernementale et fournissaient à l’armée des recrues par centaines de mille. L’aristocratie du travail allait rivaliser sur les champs de bataille avec l’aristocratie de naissance. L’un des leaders les plus influens des Trade-Unions, Henderson, nommé d’abord membre du Conseil privé, est entré, en même temps que le chef du parti conservateur, M. Balfour, dans le Cabinet remanié de M. Asquith.

Les socialdémocrates allemands ont apporté au gouvernement impérial un concours simplement officieux, mais non moins dévoué. Depuis le 4 août, ils ne pouvaient plus allèguer l’ignorance : leur cheval de bataille, c’était la lutte engagée contre le tsarisme. Le langage du Vorwaerts à l’égard de la Russie changeait du blanc au noir. Dans des articles qu’il a depuis amèrement regrettés, Bernstein énumérait tous les griefs de l’Allemagne contre l’empire des tsars depuis plus d’un siècle. Il s’agissait maintenant de régler les comptes. Le nouveau thème développé par le Vorwaerts, c’est que la Russie est