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seule responsable. La Russie a empêché l’idée de revanche de s’assoupir en France. Si, dans la guerre actuelle, l’Allemagne a dû porter ses premiers coups contre la Belgique et contre la France, c’est par nécessité stratégique, parce que les chefs militaires compétens en ont décidé ainsi. Il faut le déplorer comme « une effroyable fatalité. »

Après la prise de Mons et de Charleroi, le Vorwaerts écrit : « Aucun autre État n’a, comme l’Allemagne, mis toutes ses forces, non seulement les matérielles mais les intellectuelles, au service de l’organisation militaire. De même que l’Allemagne dispose de la meilleure organisation syndicale et politique, elle a aussi le meilleur appareil de guerre et de domination, Herrschaftsapparat. A cela s’ajoute la supériorité de la technique et la prépondérance de notre grand peuple. » C’est la thèse de l’Allemand Surpeuplé, Deutschland über alles, la devise même de l’Impérialisme. Ces lignes n’eussent pas été déplacées dans la Kreuzzeitung. Comment s’étonner, après cela, que le Vorwaerts soit autorisé dans les casernes. Il a fait sien le mot d’ordre impérial : « Il n’y a plus de partis, il n’y a que des Allemands. » L’Arbeiterzeitung de Vienne, dirigé par le Dr Adler et le Dr Austerlitz, dépasse le Vorwaerts : « Un seul cri s’échappe de toute poitrine germanique : A Paris ! à Paris ! »

Des combats décisifs vont se livrer. Si la France est vaincue, elle est obligée de reconnaître la supériorité de l’Empire allemand. Et le Vorwaerts offre par anticipation à la France une paix séparée, une paix « honorable, » comme Bismarck à l’Autriche en 1866, sans annexion de territoire. Vaincue, la France abandonnera la Russie et s’alliera avec l’Allemagne. « Il serait effrayant de penser que la Russie, même défaite, puisse rester l’arbitre de l’Europe… » alors que ce rôle ; sous-entend le Vorwaerts, revient de droit à l’Allemagne.

Le même journal (28 août) fonde les plus grandes espérances sur le ministère qui vient de se constituer en France. « Les camarades socialistes, écrit son rédacteur, ne seraient jamais entrés dans le gouvernement, si la guerre était destinée à secourir le tsarisme. Pour eux c’est l’indépendance nationale qui est en jeu. Même les ministres radicaux ne sauraient se solidariser avec le slavisme et le moscovisme. Si l’entente avec la France se réalise, la liberté de la Pologne est assurée et aussi l’écrasement de la Russie. » — Ainsi la France battue