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célèbre de Nigra se lit en marge de toutes ! es dépêchés du Livre vert. Le comte Berchtold, le baron Burian se défendent, rompent et parent, mais subissent le jeu de leur rude adversaire. Le prince de Bülow, qui voudrait être le directeur de ce combat diplomatique, s’efforce de détourner les coups droits. Mais le prince de Bülow propose et c’est M. Sonnino qui dispose.

Le 4 mai, le duc d’Avarna, d’ordre du ministre des Affaires étrangères, laisse entre les mains du baron Burian la communication, en français, qui met le point final à des négociations de cinq mois et qui notifie au gouvernement austro-hongrois que, son point de vue et celui du gouvernement italien étant inconciliables, « il est inutile de maintenir à l’Alliance une apparence formelle qui ne serait destinée qu’à dissimuler la réalité d’une méfiance continuelle et de contrastes quotidiens. » C’est la rupture. Toutefois ce n’est pas encore la guerre. Au prince de Bülow, humilié de son échec, il reste un dernier, un fragile espoir : celui que l’Italie, au moment suprême, reculera devant la gravité de l’acte. Il compte sur l’événement extérieur ou intérieur qui modifiera les dispositions du gouvernement et du peuple italien. Et il redouble alors d’activité occulte. D’innombrables conciliabules ont lieu à la villa Malta où, chaque nuit, pénètrent, comme des conjurés, des visiteurs mystérieux, trahis seulement par le ronflement des automobiles, dont s’étonnent les habitans du paisible Pincio…

Le prince de Bülow recourt à tous ses talens, à sa connaissance approfondie de la carte parlementaire et financière de l’Italie : ne sait-il pas insinuer avec à-propos qu’il est à demi italien par son mariage et par ses goûts ? Il s’est, en effet, allié à la famille de ce Minghetti, précurseur de la Triplice, qui, dès 1873, avait conduit Victor-Emmanuel II à Berlin et à Vienne… Le prince de Bülow a le tort, grave pour un politique, il a le travers, bien allemand, de se nourrir à l’excès de souvenirs historiques. Que ne regarde-t-il davantage autour de lui ? Voici que monte le flot du sentiment populaire. Déjà quelques bagarres ont eu lieu, ici et là, entre « neutralistes » et « interventistes, » ces Gibelins et ces Guelfes de la nouvelle Italie. Mais le parti de l’intervention croit tous les jours en force. La dénonciation de l’alliance avec l’Autriche n’est pas encore officielle : elle est devinée, pressentie. Par une curieuse rencontre, cet événement, connu seulement de quelques hommes