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ne remonte qu’à 1803 et l’application de la chaudière tubulaire Seguin à la locomotive par Stephenson qu’à 1827. C’est de l’histoire presque contemporaine. Puis, déjà tout-puissant par la vapeur, le charbon de pierre a étendu ses conquêtes. Il est devenu l’élément essentiel de la métallurgie, où il a refoulé peu à peu le bois. Avec la fabrication du gaz, il a conquis l’éclairage. Par tous les sous-produits que donne sa distillation, il s’est emparé de l’industrie chimique et il a remplacé le règne végétal dans la fabrication des matières colorantes, des produits pharmaceutiques, des explosifs. Demain, il nous fournira du caoutchouc, du coton et de la laine. Quand les tablettes d’azote de Berthelot figureront sur nos menus, il nous donnera peut-être aussi notre nourriture de carbone. En dehors de ses vertus propres, il exerce une action de présence qui vivifie. Dans le monde matériel comme dans le monde moral, un système de connexions et d’engrenages attire la force vers la force, l’industrie vers l’industrie, le succès vers le succès.

Ce qu’a été, pendant le XIXe siècle, cette prise de possession du monde industriel par la houille, chacun le sait dans l’ensemble. Mais les proportions précises de ce grand phénomène sont-elles bien connues ? Au début du XIXe siècle, le monde employait quelque dix millions de tonnes de houille à se chauffer ; il en absorbe aujourd’hui, en chiffres ronds, un milliard. En cent ans on a centuplé. La France seule utilise aujourd’hui six fois plus de houille que le monde entier n’en employait en 1800, et cet accroissement continue à subir de jour en jour une accélération comparable à celle qui précipite la chute des corps. En millions de tonnes, la production de 1800 étant représentée par 10, celle de 1875 par 280, on a atteint 770 en 1900, 1052 en 1908, 1186 en 1912. Ces chiffres mêmes font voir comment une question qui pouvait paraître insignifiante il y a un siècle, secondaire il y a cinquante ans, tend à devenir prépondérante aujourd’hui. Il semble toujours que cette progression va se ralentir ; elle trompe, au contraire, les prévisions d’avenir, en apparence les plus exagérées, par un nouveau bond en avant. Tous les continens y contribuent, et "même ceux qui ont été le plus récemment mis en valeur interviennent l’un après l’autre : la Chine, la Sibérie, l’Afrique Australe. Mais, dans les vieux pays, c’est une fièvre. L’Allemagne, pour prendre l’exemple le plus typique sur lequel je vais bientôt