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équivalaient à l’abandon à leur profit d’une de nos anciennes petites provinces : Comtat Venaissin ou Angoumois, et les ententes de leurs industriels avec les nôtres nous soumettaient à leur contrôle. Beaucoup de leurs produits nous manquent, même pour leur faire la guerre, et les moins attentifs de nos concitoyens doivent maintenant reconnaître que du défaut d’équilibre entre les extensions d’affaires allemandes et le développement de nos entreprises françaises, résultait une lente et sûre conquête du marché français par les Allemands.

La réaction s’est faite, peut-être plus rapide et violente qu’efficace, mais enfin elle s’est faite. Allons jusqu’au bout de cette réaction et étudions les moyens de reprendre notre ancien rang, sans quoi, après avoir coupé, nous négligerions de recoudre.

L’importance du commerce intérieur dépend de notre activité et du chiffre de notre population ; il n’en est pas de même de l’importance de notre commerce extérieur, qui est fonction du plus ou moins de facilités que nous donnons aux échanges et dont le mouvement de progression ou de recul est plus géométrique qu’arithmétique. Avec un commerce extérieur prospère, on participe au développement de tous les peuples et on a une marine marchande toujours grandissante ; avec un commerce extérieur en recul, on s’affaiblit peu à peu, et on devient, dans un temps donné, la proie de voisins entreprenans.

Si le développement du commerce extérieur est en tout temps une nécessité aussi pressante que le maintien des frontières, en peut dire qu’en ce moment c’est une nécessité urgente.

Les besoins créés chez nous par la guerre nous ont fait recourir à tous les marchés du monde pour combler les lacunes de nos approvisionnemens en denrées de consommation, en métaux et en produits fabriqués, et le change international se ressent de ces achats sans compensation suffisante. La livre, le dollar gagnent, et la peseta, l’humble peseta, sur laquelle le franc avait toujours fait prime, gagne aussi.

Cette situation constitue un avertissement dont nous aurions tort ne pas tenir grand compte. On dit que la chaîne casse et que, par la rupture de quelques-uns des fils qui le composent, le câble avertit. Les changes nous avertissent, à leur manière, qu’il ne faut pas acheter au dehors plus que nous n’avons les