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de notre pays, résultant plus qu’on ne le croit de sa situation géographique.

Si l’on veut bien jeter les yeux sur une carte d’Europe et même sur une mappemonde, on constatera que la France est un carrefour, le centre d’un X dont les branches se dirigent au Nord-Est vers les Pays-Bas, la Scandinavie et toutes les nations septentrionales de l’Europe ; au Sud-Est vers l’Italie, le Levant, l’Egypte, les Indes, l’Extrême-Orient ; au Nord-Ouest vers l’Angleterre et l’Amérique du Nord ; au Sud-Ouest vers l’Espagne, l’Afrique et l’Amérique du Sud. De tout cela, il résulte que notre pays, baigné par quatre mers, est admirablement placé pour constituer le plus formidable marché de distribution qui se soit vu.

Il en est tellement ainsi que le courant qui fait passer par la France les marchandises étrangères, allant vers les pays étrangers, n’a pas pu être enrayé par la guerre aux échanges que nous faisons plus ou moins ouvertement depuis une quarantaine d’années et, d’une façon très nette et très résolue, depuis environ vingt-cinq ans.

On appelle commerce général la totalité des achats et des ventes au dehors d’un pays déterminé et commerce spécial ses achats destinés à la consommation nationale et ses ventes portant sur des produits de son cru ou nationalisés par le paiement des droits de douane. Il s’ensuit que la différence entre le commerce général et le commerce spécial représente ce qui ne fait que passer dans le pays, ce qui, venant du dehors, et appelé à se consommer au dehors, n’est que tangent au pays.

Le régime protectionniste qui, pour réserver la consommation nationale à la production nationale, charge de gros droits les marchandises étrangères, et qui, hanté de la pensée de leur concurrence aux produits nationaux, multiplie les formalités douanières, pour écarter autant qu’il est en lui les produits étrangers de notre territoire, devrait avoir à peu près supprimé depuis vingt-cinq années cette différence entre le commerce spécial et le commerce général représentant la valeur des produits étrangers qui ne font que traverser notre sol. Eh bien, telle est la résistance qu’opposent les pays aux impulsions qui vont à l’encontre de leur fonction propre, de leur mission, que non seulement cette différence n’a pas été annihilée, mais qu’elle s’est largement maintenue au cours des dernières années.