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Nous lasserions bien inutilement l’attention de nos lecteurs si nous voulions examiner successivement tout ce que nous perdons actuellement et qui pourrait être fait en zone franche : nous nous bornerons à citer trois exemples typiques.

« Jadis, la côte occidentale d’Afrique puisait dans les stocks entreposés à Bordeaux les bois du Nord dont elle avait besoin. C’était d’autant plus naturel que beaucoup de comptoirs établis dans nos colonies africaines sont la propriété de firmes bordelaises.

« Le tarif douanier de 1892 nous enleva ce trafic.

« Théoriquement, il doit sembler que nous aurions pu, grâce au régime de l’entrepôt fictif, éviter les droits de douane sur les bois à réexporter et, par conséquent, nous trouver en face d’une situation non modifiée. Malheureusement, ce palliatif n’est qu’apparent, il ne peut être réalisé dans la pratique.

« Celles de nos colonies que baigne l’Atlantique ne possèdent pas de scieries. On ne peut donc leur envoyer uniquement des bois dans l’état où nous les recevons nous-mêmes ; ce débouché réclame au contraire, en majeure partie des madriers dénaturés, c’est-à-dire refendus en planches, chevrons et liteaux. J’ajoute que ces débitages, variant suivant les besoins du moment, ne peuvent s’effectuer qu’à l’époque de l’embarquement. « Or, les règlemens de l’entrepôt fictif n’admettent pas ces transformations sans l’acquittement des droits.

« Devant cette impossibilité où nous mit le régime protectionniste de soutenir sur des bases normales la concurrence étrangère, nous assistâmes alors à ce lamentable spectacle : des maisons françaises contraintes, pour alimenter des colonies françaises, d’aller s’approvisionner à Hambourg.

« La lutte nous était interdite ; nous dûmes nous incliner.

« Le courant d’affaires ainsi détourné fonctionnait depuis quelques années déjà au profit de nos adversaires, lorsqu’une occasion se présenta pour les importateurs bordelais de se remettre sur les rangs. Il s’agissait cette fois d’exécuter exceptionnellement une fourniture strictement composée de madriers non refendus ; nous paraissions, en conséquence, pouvoir lutter à armes égales avec les Allemands, les droits de douane n’ayant pas en l’espèce à jouer.

« Hélas ! il nous fallut renoncer à cette affaire, et non point