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peu en France, à les y manipuler en vue de les améliorer, et d’y incorporer le plus possible de produits français ; en un mot de mettre à profit notre situation géographique tout à fait exceptionnelle, pour nous réserver certains avantages économiques.

Mais il est admis en matière de lutte que celui qui se contente de parer, de profiter des faiblesses de l’adversaire, n’est pas en aussi bonne posture et n’a pas autant de chances de succès que celui qui joint à la défensive la plus serrée les avantages de l’offensive ; et nous voudrions, après avoir fait ressortir les bénéfices de la zone franche au point de vue de ce qui passe sur notre territoire, montrer les services qu’elle peut nous rendre pour aller prendre au loin notre part des transactions mondiales. M. Daniel Bellet constatait dernièrement ici même[1] que, sur un mouvement d’importation de soixante millions de marks à Tsing-Tao, dont une vingtaine de millions revenait aux Japonais et une dizaine de millions chacun à l’Allemagne, aux Etats-Unis et à l’Angleterre métropolitaine et coloniale, la France ne figurait, au titre de ses importations directes, que pour un chiffre de moins de quarante mille francs.

Ceci est tout à fait caractéristique ; la France exporte ce qu’elle a en trop, ce dont ses voisins ont besoin, ce que son domaine colonial exige et enfin au loin ce qu’on lui demande, et un pays nouveau, qui ne lui demande rien, est un pays ignoré par elle.

Il ne faudrait pas à cette occasion répéter une fois de plus que notre commerce est trop timide, qu’il ne voyage pas, qu’il ne se conforme pas au goût de la clientèle, qu’il ne fait pas de crédit ; car c’est à l’aide de l’erreur qui fait prendre ces effets pour des causes que nous ne réagissons pas depuis quarante années comme il le faudrait pour reprendre notre rang.

Le peuple qui, de 1880 à 1910, a acquis sur toute la surface du globe un domaine colonial immense, ne mérite pas le reproche d’être casanier.

La nation qui a élevé en peu de temps à trois milliards de francs le chiffre annuel du commerce extérieur de ces pays hier encore inexistans, et qui a obtenu ce résultat malgré des

  1. Tsing-Tao et la ruine de la culture allemande. Daniel Bellet, Revue du 1er mars 1915.