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elle offre partout des fourrés très épais, presque impénétrables.

L’humidité de cette forêt est proverbiale. Les sources jaillissent tout en haut des pentes ; la terre argileuse et gluante retient toutes les eaux. Les chemins deviennent rapidement impraticables. Les soldats y pataugent effroyablement, s’enfonçant jusqu’à la cheville. Il est indispensable, si l’on veut passer, d’aménager partout des pistes faites de rondins, disposés à la suite les uns des autres. Les tranchées à peine creusées sont inondées aux trois quarts. Les soldats sont obligés de les vider sans relâche, avec des seaux, des pelles, voire des plats et des gamelles, comme dans un canot qui ferait eau.

C’est là que, depuis plusieurs mois, jour et nuit, on, se bat avec un acharnement incroyable.

Les obus et les balles finissent, à la longue, par déchiqueter les arbres, par hacher, une par une, les branches. Les troncs prennent, par endroits, l’aspect de moignons.

L’étroite vallée de la Biesme marque une dépression profonde, comme une faille dans l’Argon ne. Mais cette dépression n’est pas la seule, tant s’en faut. De tous les côtés, en tous sens, s’ouvrent des ravins très étroits, aux flancs abrupts. Les gens du pays les appellent des barribans. Ils offrent un obstacle insurmontable à quiconque veut, en dehors des sentiers, cheminer dans les bois.


19 janvier. — Voilà six jours que nous sommes ici. Les Allemands ont tenté aujourd’hui trois attaques sur nos positions. Dans le secteur Ouest, un gros minenwerfer explose dans nos tranchées et les bouleverse. Aussitôt une colonne ennemie se précipite sur notre première ligne et parvient à prendre pied dans le secteur d’une compagnie. Notre compagnie de réserve se porte immédiatement à la rescousse et reprend tout le terrain perdu, sauf en deux endroits. Après déjeuner, notre attaque recommence et l’on reconquiert la totalité de la tranchée. Les Allemands y avaient déjà apporté quantité de sacs de ciment pour organiser sans retard l’a position qu’ils nous avaient enlevée.

Dans le secteur de droite, les Allemands font exploser deux fourneaux de mines devant le parapet d’une de nos tranchées, en un point nommé le saillant de Marie-Thérèse. Mais