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sol. On organise rapidement cette nouvelle ligne. Les Allemands, malgré leurs efforts, ne feront plus un pas en avant.

On s’est battu toute la journée, toute la nuit, à coups de bombes, de pétards, de grenades, à la baïonnette, au couteau, à la pelle, à la pioche, avec un acharnement et une furie qu’on ne soupçonne pas.

Un radiogramme des Allemands annonce qu’ils nous auraient pris quatre mitrailleuses et deux cent cinquante prisonniers.

Il y a en réalité trois mitrailleuses complètement abîmées et hors d’usage ; une centaine de prisonniers qui sont tous des blessés, à l’exception de quelques sapeurs surpris dans leurs trous de mines.

L’attaque est soigneusement préparée à l’avance, avec une minutie extrême et dans tous ses détails. Les colonnes qui doivent riposter à nos contre-attaques se tiennent toutes prêtes. Les hommes savent tous ce qu’ils ont à faire : il y a les lanceurs de bombes et de grenades, les pionniers chargés de sacs de ciment, de fascines, pour organiser immédiatement la tranchée conquise. Dix minutes après l’assaut, cette tranchée est déjà mise en état de défense.


25 janvier. — Dans cette guerre de tranchées, qui devient de plus en plus une guerre de siège, trois choses surtout assurent l’inviolabilité du front, rendent une attaque bien difficile, presque impossible à mener à bonne fin. Ce sont : 1° le barrage d’artillerie ; 2° les défenses accessoires, réseaux de fils de fer et autres obstacles variés ; 3° le flanquement des feux, mitrailleuses et fusils.

Etant donnée la forme du terrain où nous opérons et surtout l’extraordinaire proximité des lignes adverses, ces trois choses sont beaucoup plus difficiles à réaliser ici qu’ailleurs.

En beaucoup d’endroits, les tranchées allemandes et françaises ne sont qu’à dix ou vingt mètres les unes des autres. Sur certains points, elles se touchent presque. C’est une fusillade perpétuelle de jour et de nuit. On se lance des grenades et des bombes. Comment, dans ces conditions, pourrait-on installer des réseaux de fils de fer ? La nuit, les fusées éclairantes dont les Allemands font une très grande consommation exposeraient nos soldats à recevoir des coups de feu exactement comme en plein jour.