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général pour les pays d’outre-mer : exportant, non seulement le charbon, mais les produits élaborés grâce à ce charbon et rapportant en échange, comme fret de retour, les matières premières nécessaires à son industrie. L’ile tout entière n’a pas participé à ce mouvement ; et c’est ici que commence à éclater le phénomène dont nous poursuivons la démonstration facile. Je viens de faire allusion à la division que marquent à la fois les cartes géologique, industrielle, agricole et politique d’Angleterre. La limite des deux pays forme une ligne à peu près Nord-Sud allant de Newcastle à Birmingham, Bristol et Dartmouth. A l’Est, nous avons l’Angleterre verte, la contrée agricole, le pays conservateur, le domaine des lords ; à l’Ouest, l’Angleterre noire, le pays des syndicats ouvriers et du socialisme. La carte géologique nous l’explique. L’Angleterre verte s’étend jusqu’à la limite des sédimens secondaires et tertiaires aux alternances régulières de blancs calcaires, de sables et d’argiles, où suintent les sources, où poussent les pâturages, où croissent les moissons. L’Angleterre noire, qui lui succède à partir de la chaîne pennine et de la Severn, c’est la région des terrains primaires plus durs et plus foncés, des schistes et grès mêlés de granits, au milieu desquels s’étendent les taches noires des bassins houillers. Longtemps l’Est, où s’étaient établis les vainqueurs, a dominé l’Ouest plus pauvre, où s’étaient réfugiées les races vaincues. L’Angleterre était alors un pays agricole, où la richesse et, avec la richesse, le pouvoir, appartenaient aux conquérans, aux lords qui tenaient la terre. Les pays plats et fertiles de la Tamise et du Trent, l’Angleterre normande de Durham, d’York, de Salisbury, dominaient en ce temps-là. Mais, il y a environ un siècle, l’usage du charbon lit jaillir, dans tous les pays déshérités de l’Ouest, des cités ouvrières où les populations entassées décuplèrent et centuplèrent. A partir de ce moment, on a vu, de plus en plus, en dépit de quelques retours momentanés, l’Ouest élever la voix ; puis, à partir de 1832, imposer sa volonté, la volonté de la foule, aux pays de l’Est. Les avantages et aussi les défauts du système anglais, que les événemens récens ont mis avec quelque cruauté en évidence, sont nés de là. L’Angleterre est gouvernée par les hommes du charbon, du fer et de la toile : tantôt par le nombre, toujours aveugle, quand il faut voir au-delà de ses intérêts immédiats ; tantôt par les fils ou petits-fils de ceux