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semaine encore, toute notre vie. Et vraiment, c’est une épreuve indicible, pour le cœur et pour l’esprit. Tout frémit en nous, l’inquiétude et l’espoir… » Et puis encore un jour : « La bataille de l’Aisne continue… » Et l’on use sa patience. Mais : « Je vois des gens qui recommencent à douter… » Cela, c’est défendu ; et M. de Mun chapitre ces mécréans : il se chapitre lui-même. Non qu’il doute : mais il a besoin de veiller sur soi, d’éconduire les tentations. Il a cru que la bataille de l’Aisne serait un épisode de la déroute allemande. Or, la guerre de tranchées s’organise ; des longueurs !… Il attend, à la fin de septembre, « ce qui ne peut plus beaucoup tarder, » la retraite des Allemands sur la Meuse, et bientôt sur le Rhin. « Cette attente est horrible. Il y a, loin du champ de bataille, une torture morale que ne connaissent pas ceux qui ont l’âpre soutien de l’action… » 28 septembre : « Puisqu’il faut attendre encore et endurer le tourment de l’interminable bataille… » 30 septembre : « Je voudrais parler de la bataille. Je ne le peux pas… Attendons. » 4 octobre : « Il faut être sage, contenir à deux mains son cœur… » Depuis des semaines, il comprimait son cœur, il enfermait son cœur sous la triple cuirasse des bons raisonnemens, de la foi volontaire et de la patience, plus pareille à un cilice qu’à une cuirasse ; et, la nuit du 4 octobre, son cœur s’est rompu, de battre avec une telle violence, de battre pour toute la France, trop fort, dans une seule poitrine. Sa confiance, aux dernières lignes de son œuvre mâle et valeureuse, n’a point faibli. Mais sa hâte… Sa hâte ? Il attendrait encore. Et il est mort d’avoir assumé tout l’espoir et toute la crainte dont palpitait la nation.


Quelques jours avant la déclaration de la guerre, M. Maurice Barrès publiait, sous ce titre Dans le cloaque, les notes qu’il avait prises pendant les séances d’une fameuse commission d’enquête. Le terrible petit volume ! Une satire ? Non : la vérité, l’horrible vérité de ce cloaque pestilentiel où s’étaient agitées des ambitions, des cupidités, des lâchetés, des vilenies et d’où montait une odeur infâme. Soudain, voici l’Union sacrée. Le petit volume se terminait par ces mots : « Le ministère n’est même pas tombé, mais il y a une plus grande ruine suspendue au-dessus de nos têtes : l’énorme masse du système parlementaire qu’un souffle peut jeter par terre. » Et le chapitre s’intitulait : « la pourriture des assemblées. » Soudain, le premier chapitre du volume nouveau raconte la journée du 4 août 1914, « le jour sacré, » — « belle et bonne journée, de tous points parfaite, sommet de la perfection parlementaire. » Le petit volume dévoilait