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la guerre. A l’heure qu’il est, dit Bleichrœder, il resterait même au prix de la guerre. Les tracasseries de ces derniers temps étaient une concession faite au futur Empereur et à ses conseillers militaires. » Herbert de Bismarck, « une calamité pour l’empire » et le général de Waldersee sont les plus entreprenais de ces conseillers. Leur influence sur le prince Guillaume n’est pas moins funeste que celle du chancelier, encore qu’elle s’exerce avec une moindre habileté que la sienne. Ils le poussent à la guerre. Le chancelier n’arrête pas leur effort, étant convaincu qu’elle est impossible tant que Frédéric III sera vivant et qu’il n’y a aucun danger à laisser la cour et la ville en parler avec persistance. Elles en parlent beaucoup en effet, non sans mêler à leurs alarmes de vives critiques qui se résument ainsi : « On n’a pas le droit de faire la guerre simplement parce qu’on est mieux armé que ses adversaires. »

Tant d’agitation et tant d’intrigues n’étaient pas faites pour adoucir l’agonie de Frédéric III. Mais en fùt-il informé et dans quelle mesure ? Les ombres qui enveloppent son règne de trois mois s’épaississent davantage aux approches de sa mort. Cependant, quand on songe à la tendre sollicitude que lui prodiguait sa femme, on est naturellement conduit à penser qu’elle s’est ingéniée à empêcher d’arriver jusqu’à lui les informations susceptibles de rendre plus douloureux et plus amers ses derniers momens. Au commencement du mois de juin, il avait quitté le château de Charlottenbourg pour s’installer au Nouveau Palais, à Potsdam, résidence somptueuse construite à grands frais par Frédéric II, aussi remarquable par son architecture que par la beauté de son parc tracé à travers les forêts royales. C’est là que Frédéric III était né, qu’il avait longtemps vécu et qu’il voulait mourir. En y arrivant, il conçut le désir d’en changer le nom et décréta que désormais le Nouveau Palais s’appellerait Friedrichskron, — couronne de Frédéric, — circonstance qui serait dépourvue d’intérêt historique, si elle ne fournissait un nouvel exemple du peu de respect de Guillaume II pour la mémoire et la volonté de son père. A peine empereur, il rendra au Nouveau Palais son ancienne dénomination. C’est tout ce que nous savons positivement de ce qui s’est passé à la veille et au lendemain de la mort de l’Empereur survenue le 15 juin.

Quant à l’événement lui-même, il ne nous apparaît qu’à travers des versions contradictoires. D’après Bismarck, le