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prises, ce que ne ferait pas une simple mesure de grâce. — La nature de ce droit d’appel s’explique par son origine historique. Il est, ce nous semble, le dernier reste, dans notre organisation actuelle, de la « justice retenue » que connaissait l’ancien régime. On sait que le roi de France rendait primitivement lui-même la justice à tous ceux qui venaient la lui demander. Plus tard, vu l’extension de ses domaines et la multiplication des causes, il dut déléguer à des subordonnés le soin de la rendre en première instance ; mais il retint pour lui-même la faculté de statuer en appel, et il l’exerçait en son Conseil d’État. Cette juridiction retenue disparut, pour les matières civiles, avec la Révolution. Pour les matières pénales, il n’en subsiste plus que le droit de grâce. Quant aux questions administratives, elle dura jusqu’en 1870, car sous le second Empire encore c’était par des décrets en Conseil d’État qu’il était statué sur le contentieux administratif en dernier ressort. Depuis 1870, seuls l’appel comme d’abus et l’appel des prises gardaient cette forme. L’appel comme d’abus a disparu avec la séparation des Églises et de l’État. L’appel des prises demeure donc, en sa forme archaïque, — et parfaitement justifiable ici, — l’unique survivance d’un lointain passé.

À cette juridiction d’appel il avait été question d’en superposer une autre. Au début du xxe siècle, on exprimait souvent le vœu qu’une cour internationale fût établie, pour statuer en dernière instance sur les questions de prises d’abord tranchées par les juridictions nationales, lesquelles existent dans les divers pays à l’image de notre propre Conseil des prises. On espérait arriver par-là à unifier les règles admises en matière de capture maritime par les nationalités distinctes, et aussi réduire, grâce à la présence dans cette cour internationale de juges pris parmi les neutres, le nombre des cas où la saisie serait validée. La question fut portée par les gouvernemens devant la deuxième conférence internationale de la paix, tenue à La Haye en 1907. Ses débats aboutirent sur ce point à la confection d’un texte spécial. La douzième des conventions établies par la conférence était en effet relative à l’établissement d’une cour internationale des prises. Elle porte la date du 18 octobre 1907. La France fut une des Puissances qui la signèrent immédiatement. Son exemple ne fut point suivi par plusieurs autres grands États. Leurs vues sur ces questions étaient