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Enfin, au mois de juillet 1724, la nouvelle Duchesse d’Orléans apparut à la Cour, « blanche, petite, potelée, ». dit Barbier ; mais elle manquait de cette grâce affinée dont, à la Cour de France, les yeux étaient habitués ; aussi lui trouva-t-on l’air un peu « grossier, » c’est-à-dire épais, au sens qu’avait le mot à cette époque ; d’ailleurs, elle était bonne, généreuse, et tout le monde se louait fort d’elle.

Les ménages heureux n’ont pas d’histoire, et il semble que les deux années de leur union furent, pour le Duc et la Duchesse d’Orléans, comme un ciel sans nuage. Ce bonheur familial eût peut-être été le salut du Prince, mais bientôt, à vingt-deux ans, Auguste-Marie mourut en couches. La santé morale de son mari ne put supporter, sans une grave atteinte, un pareil malheur.

Déjà la mort subite et impénitente de son père l’avait ébranlé, celle de sa femme le confirma dans la croyance que Dieu l’appelait à lui, qu’il devait renoncer au monde, et le mit sur le chemin de ce qu’il nommait, improprement d’ailleurs, « sa conversion. »

Religieux, Louis d’Orléans l’avait toujours été, même au milieu de ses dérèglemens passagers ; mais la pensée de la mort, de ces morts subites qui s’étaient, autour de lui, si rapidement succédé, emplirent son âme vacillante d’une terreur sacrée. Il ne songea plus alors qu’à son salut éternel : la grande affaire, selon l’expression de Pascal.

Touché par la grâce, le Prince voulut répondre à son appel.

Avec la décision et l’esprit de suite singuliers qu’il apportait en toutes choses, le Duc d’Orléans régla, sur sa vie intérieure, sa vie mondaine : à l’exception des jours d’obligation, il ne parut plus à la Cour. Partageant son temps entre l’étude et les exercices de piété, il laissa à sa mère l’administration de ses affaires et se réserva seulement un revenu de dix-huit cent mille francs dont la majeure partie consacrée à des bonnes œuvres.

A vingt-trois ans, quand on est premier prince du sang, prendre une résolution pareille, puis s’y tenir, ferme, jusqu’à la mort, c’était plus qu’il ne fallait, au xvin8 siècle, pour être taxé de folie, d’autant mieux que ce que l’on connaît du caractère du Duc d’Orléans n’était pas fait pour combattre cette opinion.

Ce ne fut pourtant que la première étape.