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« Il n’approchoit point du feu, tel froid qu’il fit, se levoit tous les jours à quatre heures du matin et se mettoit à prier et à travailler tout de suite.

« Il s’étoit fait une loi de réciter tous les jours le bréviaire de Paris… On le vit en différentes occasions accompagner le viatique chez les pauvres, au quatrième et au cinquième étage. Il affectoit d’être vêtu avec une simplicité si excessive que sa mère lui faisoit souvent, mais en vain, des remontrances à ce sujet.

« Un jour que le Prince fut la voir au Palais-Royal, S. A. R. lui dit qu’à peine le reconnoissoit-elle, tant il étoit négligé et voûté, et qu’il ne lui restoit de bien fait encore que le pied.

« Aussitôt qu’il fut retourné chez lui, il se fit apporter de gros souliers lourds et épais qu’il n’a point quittés depuis ; de sorte que, retournant le lendemain avec cette nouvelle chaussure chez sa mère, elle fut très mortifiée de ce qu’elle lui avoit dit la veille. »

Toujours par esprit de pénitence, il noyait d’eau son potage, sous prétexte de le refroidir ; mais de toutes les privations qu’il s’imposait, c’était celle du vin qui, de son propre aveu, lui avait le plus coûté, car, dans sa jeunesse, il ne buvait que du Champagne.

Ses aumônes étaient innombrables : non seulement il donnait, presque chaque jour, dans une des salles de Sainte-Geneviève, audience aux malheureux, mais encore il allait, escorté de son seul petit valet, les visiter dans leurs galetas.

Ce misanthrope aimait, par voie de conséquence, les animaux et, en particulier, les chats. Il en possédait plusieurs qui se multiplièrent bientôt d’une façon encombrante. Que faire de tous ces chatons qui s’installaient chez lui avec des grâces si prenantes ? Les noyer, il n’y fallait pas songer, cette extrémité révoltait la sensibilité du Prince ; il s’ingéniait donc à les placer, de son mieux, chez des amis.

Mais l’abandon fait, il ne se désintéressait jamais de son soyeux présent. La princesse d’Armagnac en avait été gratifiée, elle reçut certain jour la visite du Duc d’Orléans qui s’enquit aussitôt de la bestiole :

« — Monseigneur, lui dit la princesse, votre chat vous ressemble, on le voit aujourd’hui, et il est quelquefois six mois sans paraître. »

Puis comme exemple de ce mélange d’humilité chrétienne et