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contre sa conscience. Une autre version, qui doit être apocryphe, raconte qu’il serra dans ses bras sa petite-fille, en s’écriant : « — Ah ! pauvre enfant, puisses-tu être aussi heureuse que tu seras bonne et sensible ; » puis, se tournant vers le futur Egalité, il aurait ajouté : « — Pour vous, monsieur, je n’ai rien à souhaiter, » comme si son âme, déjà dégagée des liens terrestres, avait pénétré l’avenir.

Un incident surgit au moment de la communion que l’abbé Bouettin, curé de Saint-Étienne du Mont lui refusa, le Prince persistant dans les opinions jansénistes qui prévalaient à Sainte-Geneviève. Son aumônier lui administra donc les derniers sacremens en présence de tous les Princes et Princesses du sang.

Le peuple, qui regardait le Duc d’Orléans comme un saint, fit, de tout ce qui l’avait touché, des reliques, et ne parlait rien moins que d’une canonisation prochaine. La Reine dit, en apprenant sa mort : « C’est un bienheureux qui laisse après lui beaucoup de malheureux ! »

Quant aux génovéfains, Barbier prétend qu’« il les gênoit, exigeant trop de régularité pour leurs novices. » Il les gourmandait, au chœur, du geste et de la voix, ce qui ne laissait pas d’embarrasser les moines. Aucun regret amer ne troubla donc, pour eux, la réjouissance que doit faire éprouver aux âmes chrétiennes l’entrée d’un juste dans le Ciel.

L’autopsie, qu’il avait demandée par testament, ne révéla, selon le duc de Luynes, « aucune autre cause de mort que les parties desséchées et le cœur flétri. »

Telles sont les constatations brutales de la science ; mais on peut y voir aussi le symbole de la vie du Prince. L’hypocondrie, cette tare mystérieuse commune à tous les descendans de l’adultère royal, pesa sur son existence, faussant les ressorts d’une nature, à certains égards, point vulgaire.

Si Louis d’Orléans, digne successeur des « Messieurs de Port-Royal, » ne sut faire figure de prince, du moins, fut-il, pleinement, ce qu’avait prédit le Régent, son père : un honnête homme.


G. DU BOSCQ DE BEAUMONT — M. BERNOS.