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nous en convaincre. Même en dehors de son domaine, l’Allemagne était occupée à s’assurer la possession d’Haïdar-Pacha jusqu’au golfe Persique. Elle ne demandait plus que trois ans pour inaugurer son grand chemin de fer de conquête, tout au moins jusqu’à Bagdad. Ainsi, le réseau français de Syrie était menacé. Le port d’Alexandrette en voie d’équipement devait, aux mains de l’Allemagne, lui assurer une prépondérance économique et politique sur la partie centrale de la Turquie d’Asie, du Bosphore au golfe Persique. Le canal de Suez était dès lors mis en danger, par une concurrence prochaine, tandis que les chemins de fer russes projetés en Perse se trouvaient déjà en face d’une lutte préparée grâce à l’embranchement allemand qui devait réunir Bagdad à Khanekin.

Enfin, les projets des Allemands auront été suffisamment mis en évidence quand nous aurons rappelé leurs convoitises sur l’Afrique équatoriale et centrale. Du golfe de Guinée à l’océan Indien, l’Allemagne avait la secrète pensée d’absorber toutes ces terres sur lesquelles flottent les pavillons français, belge et portugais.

Depuis le 4 novembre 1911, le Cameroun était en contact avec le Congo belge par la Sanga et la Lobaye. Le Gabon, le Moyen-Congo et le Congo belge devaient, suivant les projets de cette Weltpolitik, servir de trait d’union entre le Cameroun et l’Afrique orientale.

Voilà à grands traits ce que l’Allemagne s’était acquis dans les terres étrangères. Voilà ce qu’elle voulait encore s’approprier, sans oublier ses prétentions sur le domaine de la France dans l’Afrique du Nord.

Tandis que sur deux lignes dont l’immensité confond la pensée coule le sang des meilleurs d’entre nous, il est utile de montrer où nous en sommes sur le front colonial après plus d’une année de guerre. Cette tragédie universelle ignore les limites de son théâtre. Le monde entier sert de terrain au grand débat dont l’avenir attend la solution. Sans doute, elle est lente à se produire, mais le temps convient à tout ce qui est grand et doit être durable. Cependant, pour calmer les impatiens, il doit être bon de connaître les succès que les Alliés ont réalisés par-delà les mers. Exposer en détail les pertes de l’Allemagne et nos gains, — la différence en est ainsi doublée, — tel est notre but.