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engagés dans les batailles dont l’Europe est le théâtre, le nombre des combattans dans ces opérations coloniales paraîtra minuscule. Il pourrait en résulter dans l’esprit du public une appréciation inexacte de l’importance de cette campagne, en même temps qu’une idée injuste du courage et de la valeur qui y ont été dépensées. Mais ce sera répondre à toutes les critiques que de rappeler dans quelles conditions se sont passées ces luttes. La grande distance où l’on est de l’Europe rend difficile et parfois incertain le ravitaillement indispensable à une offensive déterminée. À cette époque, en effet, les mers n’étaient pas encore libres de toute menace allemande. Et puis, la guerre sous-marine, dont le rayon va croissant chaque jour, ne reste pas sans influence sur la suite de nos affaires d’outremer. Elle impose des précautions qui n’activent pas le voyage de nos courriers. Ainsi la distance se trouve accrue des difficultés inhérentes à l’état de guerre. Dans le continent africain, nos soldats se butent aux lenteurs considérables du ravitaillement par voie de terre. Quelques tonnes de munitions rendent nécessaire la levée de porteurs, dont l’organisation n’est pas allaire d’un jour. Les bien mener à travers ces forêts sans percée, exposés aux menaces de l’ennemi, qui connaît les chemins, constitue un danger très grave. Enfin, la nocivité du climat, les périls propres aux régions tropicales, les trajets de plusieurs centaines de kilomètres, augmentés encore par l’absence de moyens de transport rapide, sont des inconvéniens qui, joints à ceux qui résultent de la parfaite préparation allemande, donnent à ces expéditions un caractère très sérieux indépendamment des effectifs engagés.


Avant toute autre chose, demandons-nous quelles étaient les forces en présence ?

Là-bas comme ici, on était inexactement renseigné sur les ressources en hommes et en munitions de nos ennemis. En ce qui concerne le Togo, notre manque d’information s’explique. La France n’y possédait point d’agent officiel. Toutefois, à s’en tenir aux indications que le commandement français avait en juillet 1914, les forces allemandes dans cette partie de l’Afrique semblaient être de 2 officiers, 6 grades européens et 560 indigènes sans grande instruction militaire.