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JEUNE FILLE. n venir si pieux, si constamment fervent, elle viendrait parfois, cette ombre chérie, errer en silence entre nous. Ecrivez-moi, Juliette, parlez-moi d’elle ; votre peine est ma peine; et, si je ne peux vous empêcher de soufTrir, je veux du moins partager toute votre souffrance. Penchez-vous vers moi, que je recueille toutes vos larmes; elles me sont précieuses comme tout ce qui vient de vous ; mettez votre main dans ma main pour que je protège votre solitude; n’oubliez pas, ma Juliette chérie, qu’il existe de par le monde un grand bêta de Jimmy très maladroit, car il est amoureux, mais qui est en même temps votre camarade fidèle, votre ami le meilleur et le plus sûr. Comptez toujours sur lui et sur tous les sentimens qu’il a pour vous. Si vous vouliez le revoir, il s’arrangerait pour venir, — ne fût-ce que huit jours, — auprès de vous. Enfin, il est aux ordres de votre caprice ou de votre cœur, et plus que jamais et pour toujours à la dévotion de sainte Juliette, sa patronne chérie, qu’il prie matin et soir, tel un enfant très pieux. « Je baise vos chères petites mains, « Le vieux Jimmy. <( P. S. — Je vous raconterai une autre fois des choses du voyage; aujourd’hui je n’en ai pas le cœur; j’ai mon chagrin; et aussi et encore plus, j’ai votre chagrin. » Vous seul, vieux Jimmy, vous savez me comprendre. Vous seul avez de l’amitié vraie pour moi. J’ai un peu pleuré sur votre si franche et tendre lettre et, de loin et de tout mon cœur, je vous ai béni. XXXIV Au concert avec Angelise. Nous sommes seules toutes les deux; sans doute parce que le dimanche, tout le monde a congé. Angelise est venue me chercher en voiture ; je l’ai vue arriver du jardin et, sans lui laisser le temps de venir à moi, j’ai grimpé prestement près d’elle. Un baiser au vol ; puis je m’assieds, et mon premier regard me révèle dans le miroir étroit de l’automobile nos deux visages pâlis, maigris, nos yeux trop grands, nos traits tirés. — Ma parole, Angelise, nous avons bien cent ans à nous deux aujourd’hui I Est-ce que tu n’es pas malade? TOME XXX. — 1915. 8