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auxquelles ils ne peuvent pas échapper ont de la peine à s’y plier, parce qu’elles heurtent de vieilles mœurs confondues par eux avec la structure historique de leur pays. Nous avons beaucoup de peine à imaginer, nous qui pratiquons depuis longtemps le service militaire obligatoire, pourquoi l’Angleterre a tant de peine à s’y résigner. Il faudra pourtant bien qu’elle y vienne un jour, si elle veut vivre. En attendant, et quoique la réforme fasse des progrès dans les esprits, on y résiste encore éperdument. Lord Derby a imaginé un système de volontariat qui arrangerait tout et dont il attend grand effet; à nos yeux, au contraire, ce n’est qu’un palliatif impuissant.

Ce qui, plus que tout le reste, est à même de faire sur le peuple britannique une impression profonde, c’est l’appel que le roi George lui a adressé. Le ton en est émouvant, pathétique, douloureux : il a pour objet de multiplier les engagemens volontaires, devenus plus nécessaires que jamais. Après avoir très légitimement glorifié les volontaires d’hier qui ont « tout sacrifié, leur maison, leur fortune et leur vie même, afin qu’une autre nation ne puisse pas détruire le libre empire que leurs ancêtres ont bâti : « Je vous demande, dit le Roi, de continuer ces sacrifices. Nous sommes bien loin du but. Plus d’hommes et encore plus d’hommes sont nécessaires pour maintenir en campagne mes armées, et, par elles, assurer la victoire et une paix durable. Dans les temps anciens, les heures les plus sombres ont toujours fait naître, chez les hommes de bonne race, les résolutions les plus énergiques. Je vous demande à vous, hommes de toutes les classes, de venir volontairement prendre place parmi les combattans. » Viendront-ils volontairement en assez grand nombre? Nous le souhaitons. Le meurtre odieux de mis Cavell, qui a provoqué dans le monde entier, mais surtout en Angleterre, un sursaut d’indignation et de colère, aidera peut-être aussi à ce mouvement patriotique que le Roi encourage et sollicite. Mais qui pourrait dire si ce sera assez?

La Russie fera certainement tout le possible : nous en avons pour gage l’éloquent manifeste que, lui aussi, l’empereur Nicolas a adressé à son peuple pour dénoncer l’acte inqualifiable, abominable, commis par la Bulgarie. « Nous faisons savoir, dit-il, à tous nos fidèles sujets la trahison de la Bulgarie à la cause slave. Préparée avec perfidie depuis le commencement de la guerre, elle s’est accomplie, bien qu’elle parût impossible... La Bulgarie, notre coreligionnaire, depuis peu affranchie de l’esclavage turc par le fraternel amour et le sang du peuple russe, s’est rangée ouvertement du côté des ennemis de la foi chrétienne, du slavisme et de la Russie. Le