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que les grandes Puissances avaient fait aux arrangemens du 19 février que par l’attitude de leurs représentans à Constantinople, la Porte ne se dépêchait pas de prendre des dispositions pour satisfaire nos exigences à cet égard. Mais les militaires, impatiens d’entrer en possession de ce qui avait été annoncé comme devant nous être remis, prenaient des dispositions pour s’en emparer par eux-mêmes. De là des plaintes des Turcs, des conflits locaux et une série d’affaires fort compliquées. D’autre part, lorsque, pour garantir la sécurité de nos cantonnemens avancés qui avaient sur leurs derrières deux redoutables places fortes, nous insistions pour nous faire rendre Varna et Schoumla, les Turcs répondaient que la chose ne pouvait pas se faire du jour au lendemain : il fallait étudier l’état des forteresses et de leurs garnisons, faire l’inventaire du matériel de guerre qui s’y trouvait, prendre des dispositions pour le transport des hommes et des effets, et tout cela demandait du temps. Sur ces entrefaites, voyant la capitale absolument découverte, les Turcs se mirent en toute hâte à créer une nouvelle ligne de défense aux environs immédiats de Constantinople où arrivaient progressivement les épaves des armées battues par Gourko, et le nombre des troupes réunies en face de notre petit détachement d’avant-poste de San Stefano grossissait tous les jours. Des fortifications s’élevaient, elles étaient garnies de canons, et le général Fuad pacha était placé à la tête de la première ligne, qui se trouvait en face du centre de la nôtre. La flotte anglaise continuait à se tenir à portée du Bosphore, entre Ismid et Prinkipo.


C’est dans de pareilles conditions que le grand-duc, sentant le danger de laisser le Sultan et son gouvernement sous l’influence exclusive de nos adversaires, et notamment de l’Angleterre, redoubla d’insistance pour arriver à une entrevue avec Abdul Hamid. M. Onou continuait dans ce sens ses efforts, les Turcs proposant que le grand-duc vînt directement au palais comme hôte du Sultan, et que là Sa Majesté lui rendît sa visite dans l’appartement qui serait mis à sa disposition. Le commandant en chef tenait au contraire à recevoir comme tel le souverain ottoman, à lui faire rendre les honneurs par sa garde d’honneur, et à être entouré de son état-major. Un biais fut enfin trouvé. On convint que le Sultan mettrait à la disposition