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2i BEVUE DES DEUX MONDES. garder pour toute ma vie le même, l’unique amour; j’offre mon cœur changeant à la seule Clarté qui demeure... Main- tenant, tu sais tout, Juliette. Ne pleure pas, je t’en supplie, et bois ton the’ qui refroidit... — Mais... lui? — Lui ? il souffre, il souffrira quelque temps encore, et puis, même s’il n’oublie pas, il revivra, il renaîtra, et pourra du moins garder d’Angelise un souvenir ardent, mais pur. Une pendule sonne; déjà six heures! Robert m’attend à la maison, et sans doute, maman est-elle rentrée... Je les trou- verai tous les deux, l’air content; je les dérangerai peut-être... Ah! pourquoi tout l’amour n’est-il pas éternel? — Rentre avec moi, reste, Angelise. Je voudrais te dire tant de choses!... Tu ne sais pas combien je t’aime, comme je te plains... Mais je t’en supplie, au nom de notre amitié, réfléchis encore... Ne peux-tu retarder ta décision?... Ne peux-tu pas attendre? Un taxi-auto vers la rue Louise-Labé nous emporte. A la grille, je ne peux me séparer d’Angelise; je la prie; je la tiens embrassée ; et dans sa fourrure et son cou je pleure et je la conjure. — Ne m’abandonne pas ! Ne m’abandonne pas 1 Elle ne me pose aucune question ; elle prend entre ses mains ma petite figure ravagée de larmes. Elle me regarde longuement ; elle me dit : — Il faut avoir du courage; il faut que tout soit beau, en dépit de nous-mêmes. Je pars demain. Je laisserai chez moi une lettre. Ne le dis à personne. Adieu. XXXV Quelques jours plus tard, M""^ de Gimeuil, dans un billet ému, m’annonça la résolution d’Angelise et son départ pour un couvent de carmélites, en Hollande ; M"’^ de Gimeuil me priait aussi de venir lui parler. J’allai la voir. Nous causâmes d’une façon assez embarfassée. — Ne savez -vous rien, ma chère enfant? Nous avions cru,, mon mari et moi, devoir refuser à notre fille notre consente- ment à un certain mariage... Si elle renonçait au couvent, ahl combien nous accepterions de grand cœur ce que nous refusions