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26 REVUE DES DEUX MONDES. je recommence une étude d’après elle, je la veux toute en lumière ; une robe orangée dans du soleil, telle une belle journée qui commence... — C’est vrai ; elle n’a jamais été plus belle... — Et ça vous ennuiera beaucoup d’avoir un beau-père ; je vous connais; vous êtes entière et dominatrice: un jeune beau-père surtout... comme Robert Bourgueil, vous causera mille désagrémens. — Robert Bourgueil? Vous plaisantez, je pense? Une petite sueur à mes tempes 1 une lassitude subite. Je me renverse sur les coussins chinois, et leurs dragons, chimères, de leurs ongles, de leurs ailes griffues, de leurs langues de flamme, me menacent, me semblent subitement affreux. — Lui, ou un autre, au hasard; à l’âge de votre mère, on épouse rarement Styrenson ou moi ; on veut de la passion plus fraîche... Mais au vôtre, on a de la jeunesse pour deux; puisque vous n’épousez pas Styrenson, épousez-moi. — Mais vous êtes diabolique aujourd’hui... — Vous ne voulez pas? Vous avez bien tort ; je vous immor- taliserais dans des chefs-d’œuvre incomparables... Tant pis, d’ailleurs ; ce qu’il me faut, c’est autour de moi de la grâce animée, de la vie, de l’agitation, de la jeunesse, du mouvement dans de la joie. Je ne peux supporter de vieillir; en place de miroir, je veux en face de moi une figure sans plis... Et désignant de son pinceau les deux sœurs penchées sur les crayons et les esquisses : — Je prendrai celle-ci... ou celle-là. « * Certes, il a dit cela sans malice, ce vieux démon de Salvator Pourpa et comme il aurait dit autre chose ; Robert est toujours à la maison... alors, n’est-ce pas?... on peut penser... mais c’est tout de même étonnant qu’on ne pense pas d’abord qu’il y vient pour moi. Ce serait cependant plus naturel : beaucoup plus. J’en ai assez de ces longues fiançailles secrètes ; Robert vient déjeuner ; je veux à tout prix parler à Robert, si je peux trouver un instant de solitude, et ne plus accepter cette situation sans franchise. L’autre soir, entre deux canapés, je lui ai dit :