Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 30.djvu/343

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rapport dans lequel il expose les origines de l’ordonnance de 1852, et développe les raisons qui, selon lui, en nécessitent le maintien. Une heure après, il reçoit la visite du général Hahnke, aide de camp de l’Empereur, qui vient lui demander sa démission, annoncée par lui. Il est stupéfait d’avoir été pris au mot et se refuse à croire que la résolution de l’Empereur est définitive.

— J’irai voir Sa Majesté, dit-il à l’aide de camp.

Mais lorsque, bientôt après, il se présente au palais, on lui répond :

— Sa Majesté est sortie.

Il comprend alors qu’il n’a plus rien à attendre, et il consacre plusieurs heures à rédiger la lettre par laquelle il se démet de ses fonctions. Le lendemain, 18 mars, quand le général Hahnke, accompagné cette fois du conseiller privé de Lucanus, vient réitérer l’ordre impérial, la lettre est prête, et Bismarck la remet à l’envoyé du palais.

Elle est trop longue pour être reproduite ici ; elle figure d’ailleurs dans les Mémoires du chancelier, recueillis par Maurice Busch, et n’apprendrait rien à nos lecteurs que ne leur aient appris les pages qui précèdent. Le démissionnaire s’applique à démontrer que révoquer l’ordonnance de 1852 équivaudrait à détruire dans le gouvernement l’unité nécessaire, et que, quant à lui, il ne peut accepter cette diminution de pouvoir. Les dernières lignes de sa lettre révèlent son état d’âme au moment où sa démission lui est arrachée et l’effort qu’il fait pour prouver qu’elle n’est pas volontaire.

« Si j’en crois mes impressions pendant cette dernière semaine et les communications qui m’ont été faites hier par le Cabinet civil et militaire de Votre Majesté, je suis persuadé que j’entre dans les vues de Votre Majesté, en donnant ma démission, et je puis donc compter avec certitude sur son acceptation. Il y a déjà un an que j’aurais demandé à Votre Majesté d’être relevé de mes fonctions, si je n’avais pas cru que Votre Majesté désirait profiter encore de l’expérience et de la capacité d’un fidèle serviteur de ses prédécesseurs. Maintenant, je suis sûr que Votre Majesté n’a pas besoin de moi et je puis me retirer de la vie politique sans craindre que l’opinion ne juge ma décision trop hâtive. »

Presque aussitôt sa démission est officiellement acceptée. La