Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 30.djvu/352

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans le rôle exprès de « sous-marin d’escadre, » parce que la méthode de guerre navale dite « guerre d’escadres » était la seule qui retînt sérieusement l’attention.

En revanche, et comme il est naturel dans le temps qui suit d’une manière immédiate la naissance d’un engin nouveau, beaucoup de tâtonnemens, beaucoup d’essais en sens divers qui s’appliquent, au gré des tendances individuelles, aux différentes facultés du sous-marin considéré en soi et en dehors de toute relation positive avec tel ou tel type d’opération de guerre. Les uns le veulent « autonome, » et ils entendent par-là qu’il ne sera pas obligé de revenir, peu d’heures après son départ, refaire au rivage sa provision d’énergie propulsive en plongée ; les autres désirent qu’il puisse plonger très bas, et donc que sa coque ait une grande résistance, quelques-uns poussant jusqu’à le faire mouvoir sur le fond au moyen de roues et à lui permettre d’envoyer au dehors un scaphandrier qui coupera les fils électriques ou les orins de suspension des torpilles fixes ; ceux-ci, tout au contraire, le conçoivent bâtiment comme tous les autres, naviguant bien en surface, s’élevant à la lame et par conséquent fort habitable, puisque la plongée ne sera pour lui qu’une situation exceptionnelle, tandis que ceux-là le veulent sous-marin pur et que, même en surface, quitte à être « mangé » par les plus faibles mers, il offre le moins possible aux vues et aux prises de l’adversaire.

Pour les armes, si l’on est d’accord que l’engin fondamental du sous-marin est la torpille automobile, — encore discute-t-on sur les modalités diverses de cet engin, — on ne l’est plus sur le point de savoir s’il sera employé seul ou si on lui adjoindra la torpille portée, la mine automatique et le canon léger, que préconisent quelques audacieux, sans parler d’instrumens spéciaux tels que cisailles à couper orins et filets…

Mais c’est sur les moteurs que les imaginations se donnent libre carrière. Des appareils à air comprimé de l’ancêtre, le Plongeur[1], on passe aux moteurs électriques, très lourds, très encombrans, mais que l’on conserve généralement encore pour la propulsion en plongée à cause de certains avantages sensibles : absence de bruit, sécurité de manœuvre, maintien d’une

  1. Œuvre du commandant Bourgois (depuis vice-amiral) et de l’ingénieur Ch. Brun, le Plongeur, construit en 1860-63, offrait déjà une remarquable solution du problème complexe de la navigation sous-marine.