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superbe, l’air doux, la lune à son croissant, et, sûrement, ces deux jeunes gens se rappelleront longtemps cette soirée de bonheur et d’amour. M. de Stolzing est revenu peu satisfait de son voyage à Stuttgard ; étant un peu souffrant, il est resté à faire une partie de billard avec M. Bohl… Nous entendions les chants du lac, la clarté de la lune nous « permettait d’y suivre les bateaux, et tous ces charmes de la soirée et de la nature ajoutaient à mes souffrances ! Elisa a su par M. de Stolzing un événement affreux arrivé à Canino, où les deux fils de Lucien ont tué un garde-chasse, sûrement sans le vouloir. Lorsque la justice est venue pour les prendre, ils se sont barricadés et défendus. Le moins qui leur arrive est d’aller aux galères ; la mort serait préférable avec un tel nom !

19 mai.

La Princesse était déjà au salon, et recevait fort gracieusement les félicitations pour sa fête et sur l’article fort poétique de Mme d’Abrantès sur elle. Naturellement, le Prince seul ne peut pas le trouver exagéré. Je n’ai jamais vu le Prince si animé et si fixé à la maison. Le bonheur lui va bien. Il est à merveille en ce moment. Je suis descendue chez la Reine pour lui demander de ne pas paraître à la soirée. Elle m’a retenue à causer des Mémoires de Mme d’Abrantès, qu’elle lit et qui l’amusent…

Vendredi 20 mai.

À dîner, on a admiré la princesse Mathilde, dont la toilette mettait toute la maison en rumeur. Elle avait une robe de satin blanc broché, fort longue de taille et fort collante, qui dessinait à merveille sa belle taille, des manches à berret très courtes, qui laissaient voir son beau bras, une jolie guirlande de petites fleurs blanches sur son front jeune et pur, un large velours noir passé au col pour en faire ressortir la blancheur, descendait jusqu’à la ceinture, et la poitrine couverte d’une parure de rubis et de diamans ! Elle était charmante, et le Prince en extase… On a bu à la santé de la jolie Princesse avec du vin de l’Étoile… En sortant de table, je me suis sauvée ; j’ai été chez la Reine. Des voitures étaient déjà arrivées et j’ai filé bien vite hors de la maison. J’ai couru comme une insensée, espérant me fuir, puis je suis rentrée à nuit close. La maison était éclairée,