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l’âme qui le meut, le bien, l’unique bien dont il poursuit éperdument la possession, c’est l’amour. Comment en serait-il autrement ? Ce ne sont ici que désœuvrés en quête d’une distraction à leur ennui. Entre ces hommes attentifs à se rendre agréables, et ces femmes armées de tout ce qui peut les faire désirer, l’amour jaillit comme une électricité naturelle. « Il ne s’agit que de lui dans les propos que tiennent les uns et dans les mines que prennent les autres. On en parie, on le parle, et peut-être le fait-on plus encore que je ne saurais l’assurer. » Ce terme d’amour désigne, dans la langue commune, les commerces les plus différens, et parfois on l’applique à un sentiment si complexe que les psychologues aidés des physiologistes épuisent vainement toute leur science à le définir. Ce n’est pas ici le cas ; pour restituer son vrai nom à l’amour dont il s’agit, et de qui seul il s’agit, il faudrait l’appeler : le goût du plaisir. Nous sommes dans le royaume de la sensualité. Aucun scrupule d’aucune sorte. Une religion tout extérieure et de convenance, réduite à des pratiques qui font, elles aussi, partie de la vie mondaine. Une complète amoralité. La tolérance de l’opinion qui ne recule que devant le scandale. La contrainte sociale a tout juste pour effet de rendre plus précieux le triomphe de l’instinct. L’art s’ajoute à la nature. Et les vestiges d’un long atavisme chrétien, accumulé au fond des âmes, ne servent qu’à aviver ce plaisir de l’amour, en faisant de lui un péché.

Flirt, — Peints par eux-mêmes, — l’Armature sont comme un triptyque des mœurs mondaines. Le premier de ces romans ne nous mène qu’au seuil de l’île enchantée. Il commence avec les premières rencontres, presque innocentes et à peine nuancées de coquetterie, entre la petite Mme Mésigny et M. des Frasses ; il se termine sur l’imposante cérémonie d’un mariage chrétien, auquel les futurs amans empruntent un peu de son mysticisme pour en solenniser leur engagement illicite. Autour de ce sujet principal courent des intrigues secondaires et annexes. Des couples s’entre-croisent comme dans l’Embarquement pour Cythère. Ils ne se distinguent que par l’âge des figurans, et la galère merveilleuse pourrait porter à son pavillon les vers de Voltaire : « Qui que tu sois, voici ton maître. Il l’est, le fut, ou le doit être. » Si l’idylle d’Agnès et de Roland est celle de deux jouvenceaux, l’amiral de Kerguel et Mme Hobbinson