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pourront être à aucun moment influencés par les nouvelles malveillantes et tendancieuses qu’on met à dessein en circulation dans le vain espoir d’altérer les bons rapports de l’Entente avec la Grèce. » Voilà qui est bien et qui ne saurait manquer de produire l’impression la meilleure sur « les Puissances protectrices » de la Grèce, qui, d’après les traités, sont l’Angleterre, la France et la Russie; mais pourquoi M. Dragoumis, dans une conversation avec des journalistes, a-t-il fait entendre des paroles différentes? Peut-être les a-t-on mal rapportées. Il est singulier que, au moment même où le gouvernement hellénique sollicite de la France et de l’Angleterre une avance de 40 millions qu’elles se montrent disposées à lui faire, ce soit justement le ministre des Finances qui envisage l’hypothèse où, si les Alliés ou les Serbes venaient à pénétrer sur le territoire grec, il y aurait lieu de les désarmer et de les interner. M. Dragoumis veut bien reconnaître que l’opération serait particulièrement délicate sur les Alliés, et nous le croyons avec lui, plus que lui peut-être. S’il a été vraiment tenu, que signifie ce langage qu’on croirait combiné pour faire manquer l’emprunt? N’aurait-il pas mieux valu s’en tenir à celui de M. Skouloudis?

Si nous portons nos regards plus au Nord, jusqu’à la Roumanie, là aussi l’horizon n’est pas sans nuages. La Roumanie a bien de la peine à prendre un parti quelconque, car la neutralité n’en est pas un, elle en est au contraire l’absence et la négation. La neutralité ne peut être qu’un état provisoire et on le sait d’autant mieux en Roumanie qu’on y a été plus d’une fois au moment d’en sortir : et ce moment reviendra sans nul doute. Que fera alors la Roumanie? Elle n’en dit rien; peut-être ne le sait-elle pas elle-même. L’opinion, à Bucarest, est agitée en sens opposés. L’intervention immédiate a des partisans très ardens, très généreux, très éloquens, aux premiers rangs desquels il faut mettre MM. Filipesco et Take Jonesco ; ils ont toutes nos sympathies et nous croyons en toute sincérité qu’ils ne se trompent pas sur l’intérêt de leur pays, Les succès que remportent les Austro-Allemands, joints aux Bulgares, sont malheureusement réels; mais ils sont très disputés, très difficilement acquis; l’armée serbe continue d’être héroïque et, quelle que soit l’insuffisance momentanée des contingens que l’Angleterre et nous avons envoyés à Salonique, les choses auraient certainement pris une tournure très différente si la Roumanie et la Grèce, au lieu d’être fascinées et paralysées par l’espèce de terreur que l’Allemagne exerce sur les âmes pusillanimes, avaient pris fait et cause pour la Serbie. Elles ont