Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 30.djvu/482

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à marcher venait à se poser, la Serbie s’était engagée à appuyer son action par 150 000 hommes. Mais le pourrait-elle, ayant affaire non seulement à la Bulgarie, mais à l’Autriche et à l’Allemagne? Pour plus de sûreté, le 21 septembre, aussitôt après la mobilisation bulgare, M. Venizelos demanda aux Alliés l’envoi de ces 150 000 hommes, sous la condition expresse que la Grèce mobiliserait aussi. Cette condition fut remplie aussitôt, la Grèce mobilisa comme M. Venizelos l’avait promis, et, moyennant une protestation de pure forme, les Alliés furent autorisés à débarquer à Salonique. C’est donc la Grèce qui nous avait appelés. Mais, entre-temps, un fait déconcertant s’était produit: M. Venizelos avait été renversé par le Roi. Ce coup de théâtre remettait tout en question. Il ne s’agissait plus, pour les Alliés, de marcher avec la Grèce, puisque la Grèce ne marchait plus, mais bien d’aller seuls à Salonique avec 150 000 hommes, qui n’étaient pas tous prêts et qui, dans les circonstances nouvelles, ne constituaient plus qu’un appoint insuffisant.

Il était permis d’hésiter. Nous ne l’avons pas fait, mais on l’a fait à Londres : de là, les lenteurs qui ont été reprochées au gouvernement anglais et dont M. Asquith s’est efforcé de le défendre. « Le résultat, a-t-il dit, a été que la Serbie s’est trouvée exposée, sans l’appui de la Grèce, à l’attaque de face des Puissances centrales, et à l’attaque de flanc de la Bulgarie : » situation dont les Alliés ont tous partagé l’angoisse, mais à laquelle ils n’ont pas tous pourvu avec la même rapidité. D’après la déclaration de lord Lansdowne, il n’y a eu pendant quelques jours que 13 000 Anglais à Salonique. M. Millerand est alors allé à Londres, et le général Joffre s’y est rendu à son tour un peu après. Ces visites n’ont pas été inutiles et le langage de M. Asquith montre que le gouvernement anglais a pris enfin des résolutions plus énergiques. « L’Angleterre, la France et la Russie, a-t-il dit, ne pouvaient pas permettre que la Serbie devînt la proie d’une combinaison sinistre et mystérieuse. Il y eut, entre les états-majors anglais et français, la plus intime collaboration, marquée par la visite bienvenue du général en chef de l’armée française. Je suis bien aise de déclarer que le résultat de cette visite a été un accord complet sur le but et sur les moyens, et j’ajoute que la Serbie peut être assurée que nous regarderons son indépendance comme un des buts essentiels de la guerre. » Ce sont là des paroles solennelles, où il faut voir, de la part de l’Angleterre, un engagement définitif. M. Asquith l’a d’ailleurs souligné par un autre qui en est la confirmation et la garantie. Après avoir exprimé, plutôt, semble-t-il, le désir que