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l’argent et du travail, la libre entreprise, tout, selon eux, prépare une unité économique, créatrice de l’unité politique ; et, par sa population, sa production, son activité mondiale, l’Allemagne est destinée à réaliser cette unité. Par elle, à la période d’« équilibre » doit succéder la période d’« organisation. »

Nous ne nions pas ces changemens. Ils ont créé entre les États une solidarité plus étroite des intérêts et des idées. Les barrières s’abaissent qui séparaient les races, et, au-delà de leurs frontières, les grandes familles humaines entrevoient mieux les liens qui les rapprochent comme aussi la nécessité d’un idéal commun qui les inspire. Mais que ces contacts préparent l’unité, ou par une fusion volontaire des peuples, comme le rêve le pacifisme, ou par leur sujétion, comme l’annonce le germanisme, comment n’en pas douter ? D’autres faits, au contraire, montrent à l’évidence que le système ancien n’est pas près de disparaître et que les moules créés par l’histoire pour la vie sociale ne seront pas de si tôt brisés.

A aucune époque, l’internationalisme de la pensée n’a frayé les voies à une domination politique. L’unité spirituelle ne se confond pas avec l’unité matérielle. La religion même n’a pas réussi à unifier les peuples. Là où elle a échoué, comment la science réussirait-elle ? Qui ne voit même que sa diffusion, en associant tous les peuples à ses bienfaits, n’éveille chez les moins avancés la conscience de leur force et ne leur donne les moyens de vivre leur propre vie ? — Il en serait autrement sans doute de la communauté des intérêts, et l’Allemagne n’oublie pas que l’union douanière de ses petits États a préparé leur absorption dans l’Empire. Mais qui ne sait aussi qu’un même régime économique, encadrant tous les peuples, n’est qu’une chimère, puisque ni les richesses du sol, ni les conditions de la vie, ni les besoins, ni les forces n’étant partout les mêmes, il est impossible de transformer le monde en un immense atelier où la production, le travail, les échanges seraient uniformément réglés. En réalité, il ne semble pas que l’internationalisme économique soit en progrès. Nous sommes loin d’un code universel du travail, et, dans chaque nation, le syndicalisme tend beaucoup moins à appeler la main-d’œuvre étrangère qu’à l’exclure. Quelque intense que soit la circulation des capitaux, nous ne songeons pas à établir un système monétaire unique. Et, à son tour, combien le grand mouvement qui,