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le 24 mai, par la chute de Thiers. Il n’y eut là qu’une occasion de rappeler comment le premier Casimir Perier avait voulu jadis prendre comme ministre, — et de la Justice, cette fois-là, — le précédent Bérenger de la Drôme, et comment celui-ci, par simple modestie, a-t-on dit, s’était récusé.

Avant de quitter l’Assemblée nationale pour le Sénat, où nous devons le retrouver pour de longues années, il est à propos de dire quelques mots de l’attitude de M. Bérenger dans les questions religieuses. On ne sait que trop comment la passion jacobine a mêlé la religion à la politique pour essayer d’affaiblir la première et pour corser la signification révolutionnaire qu’elle s’est toujours efforcée de donner à la seconde. Là comme ailleurs, M. Bérenger resta toujours bon centre gauche sans la nuance légèrement sceptique de quelques-uns de ses amis ; il le fit même voir, non par une sorte d’effacement, mais avec résolution : car, sans prétendre aucunement faire un mot, on peut dire qu’il était, non pas modérément énergique, mais énergiquement modéré. L’œuvre du Sacré-Cœur de Montmartre avait soulevé de vives polémiques. Elle était bien assurée alors du succès, puisque la minorité qui la combattit ne fut que de 164 voix contre 393. On n’en attaqua pas moins, avec des argumens d’ordre administratif très divers et même avec des argumens théologiques, le principe de la loi d’abord, puis les dispositions qui substituaient à perpétuité l’archevêque de Paris aux droits et obligations de l’administration sur une portion des terrains publics de Montmartre, puis enfin les efforts faits par une grande fraction de la Droite pour associer l’Assemblée tout entière aux manifestations projetées. M. Bérenger respectait profondément cet élan religieux ; il tenait même à l’encourager, et pourtant on sentait chez lui quelques doutes sur la parfaite correction des dispositions telles qu’on les avait rédigées. Ces doutes d’ordre juridique, il les partageait avec M. Bardoux, par exemple, c’est pourquoi il avait déposé un amendement inspiré du désir d’éviter toute exagération, par conséquent tout péril de réaction du côté d’un autre groupe. Mais, voyant le cours que prenait la discussion, il ne voulut plus faire à ce groupe la concession qu’il avait eue d’abord en vue. Il le déclara dans ces termes qui caractérisent bien l’énergie, parfois un peu brusque, qu’on lui connut pendant de nombreuses années : « Après les attaques si violentes et, à mon sens, si absolument injustes