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« Je défie le plus scrupuleux défenseur de la propriété de contester ces principes, à moins de déclarer ouvertement qu’on entend par ce mot le droit de dépouiller et d’assassiner ses semblables. »

Cette théorie justifiait d’avance toutes les mesures arbitraires et tendait à faire considérer chaque cultivateur ou chaque propriétaire de subsistances comme un ennemi public capable « d’assassiner ses semblables » en abusant de son droit.

Robespierre flatte en même temps Ios passions et les préjugés populaires ; il dénonce les accaparemens, qui accumulent dans les mains d’un petit nombre de millionnaires la subsistance du peuple. Ces accapareurs calculent froidement combien de familles doivent périr avant que les denrées aient le prix fixé par leur atroce avarice. Ainsi l’exercice du droit de propriété est parfois un crime, et la liberté du commerce, qui en est la conséquence, ne favorise que les attentats contre la misère publique.

« La propriété sacrée, celle du peuple, est immolée aux intérêts d’un commerce criminel, et la vie des hommes au luxe des riches et à la cupidité des sangsues publiques. »

Au sophisme, l’orateur joint la menace : les désirs du peuple sont des ordres devant lesquels l’Assemblée doit s’incliner, et il ose dire :

« Les alarmes mêmes des citoyens doivent être respectées ; les mesures que l’on propose ne fussent-elles pas aussi nécessaires que nous le pensons, il suffit que le peuple les désire, il suffit qu’elles prouvent à ses yeux notre attachement à ses intérêts pour nous déterminer à les adopter ! »

Robespierre termine en vouant les riches au mépris public et à la haine. Avant de les livrer à la vengeance populaire il leur prête les sentimens qui doivent les faire condamner d’avance :

« Je n’ôte aux riches, s’écrie-t-il, aucun profit honnête, aucune propriété légitime ; je ne leur ùte que le droit d’attenter à celle d’autrui. Je ne détruis pas le commerce, mais le brigandage des monopoleurs.

« Je ne les condamne qu’à la peine de laisser vivre leurs semblables. »

Quelle est la solution proposée ? Robespierre ne l’indique pas expressément ; il se contente de faire allusion aux réquisitions et aux inventaires, mais ses conclusions justifient d’avance la taxation et le maximum.