Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 30.djvu/621

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

requérir des ouvriers pour faire battre les grains en gerbes.

Toute personne qui veut se livrer à des opérations commerciales relatives aux grains doit le déclarer, tenir un registre sur lequel seront mentionnés ses achats ou ses ventes, se faire délivrer des acquits à caution dans le lieu des achats, puis obtenir la décharge de ces acquits au lieu de vente…

Enfin, les prix sont réglés, — dans chaque département, — et représenteront la moyenne des cours relevés entre le 1er janvier et le 1er mai 1793. Ce prix maximum décroîtra d’ailleurs, pour décourager les accapareurs, et pour intéresser les propriétaires à porter rapidement leurs récoltes sur les marchés : Au 1er juin, il sera réduit d’un dixième ; au 1er juillet, d’un vingtième du cours précédent ; au 1er août, d’un trentième du maximum calculé pour le mois d’août…

Ce décret n’est pas seulement inspiré par la défiance qu’inspire l’avarice du cultivateur, il vise le commerce, le commerce de gros plus spécialement, et l’entrave au point de le faire disparaître.

Dans une circulaire qui date du 11 juin, le ministre de l’Intérieur traduit et commente la pensée du législateur. « Sans doute, dit-il, les échanges et les opérations commerciales sont utiles…

« Mais quelles sont les conceptions de l’esprit humain qui ne soient point viciées par les passions ! — De ces vivifiantes spéculations, l’infâme accaparement est sorti, comme on voit naître la ciguë aux rayons bienfaisans du soleil. Le cri général a réclamé une loi répressive de ces moyens d’affamer la France. Le décret du 4 mai dernier a eu pour but de porter le plus prompt remède à un si grand mal. »

En fait, les municipalités et l’Etat seront seuls chargés désormais du commerce, et aussitôt les difficultés naissent. Chaque district, chaque département, ne va-t-il pas retenir toutes les ressources découvertes et réquisitionnées ?

Dans ce cas, les régions mal pourvues seront-elles réduites à la famine, tandis que l’abondance régnera dans les parties de la France plus fertiles ou plus favorisées par les circonstances ?

Certes, le ministre prévoit, à ce propos, des abus et il s’élève d’avance contre l’égoïsme intransigeant des intérêts régionaux ; mais l’expérience ne va pas tarder à prouver que ses avis seront méprisés et que ses instructions resteront sans effet.