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un remède : la contradiction possible grâce à la présence d’un avocat. Puis, il y avait, il y a encore des précautions à prendre contre la longueur démesurée des arrestations préventives, contre le droit de pénétrer dans le domicile privé, contre plus d’une pratique des mandats d’arrêt et de dépôt. Ces desiderata, l’orateur ne manqua point de les signaler.

Le prévenu arrive devant le juge proprement dit. Ici le rôle de M. Bérenger, son rôle prépondérant est bien connu par la loi de sursis qui porte son nom. Tout le monde sait maintenant ce que l’auteur de la loi voulait ; on le sait par l’abus même que certains magistrats en ont fait malgré lui et par l’absence trop fréquente des complémens nécessaires qu’il y souhaitait. En deux mots il entendait qu’on pût, — c’était une faculté laissée à l’appréciation du juge, — ajourner, remettre même complètement l’application de la peine encourue pour un premier délit, mais que, d’autre part, en cas de récidive, la peine fût plus forte. Nous nous demanderons dans un instant en quoi et pourquoi cette loi bienfaisante n’a peut-être pas donné tout ce que l’on en attendait.

Le coupable est condamné ; il importe que le fait soit connu de ceux qui ont mission de proportionner les efforts de la défense au nombre et à la gravité des attaques. De là la nécessité évidente d’un casier judiciaire. Mais ce casier peut-il sans inconvénient, sans injustice même, être mis indistinctement sous les yeux de tous ? M. Bérenger ne le pensait pas ; il voyait là l’abus d’une méthode expéditive de la part des intérêts privés, comme il y a abus de cette même méthode dans l’application de la loi de sursis. « Vous êtes condamné pour la première fois ? C’est bien, vous êtes libre, » tendaient à répéter certains juges. — « Vous n’avez pas de casier judiciaire ? disaient la plupart des sociétés, des compagnies et même des œuvres ? C’est bien, vous serez admis. — Votre casier n’est pas blanc ? Cela suffit, allez-vous-en, nous ne pouvons rien pour vous. » Or, autant il peut y avoir et d’excuses et de motifs à un retour de confiance chez un condamné, autant il peut y avoir de motifs de suspicion, sinon d’éloignement, chez quelqu’un qui a pu échapper à toute poursuite judiciaire. Il y avait donc à revenir sur l’établissement du casier judiciaire, mais plus encore sur les conditions auxquelles il pouvait être consulté, produit et, s’il y avait lieu, définitivement effacé. Ce qui importait le plus,