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c’était d’affranchir les bonnes volontés de la prépondérance brutale donnée à la production du casier : car il y avait là de quoi fausser les idées du public et de ceux auxquels le patronage s’adresse pour obtenir d’eux, par exemple, du travail et des emplois.

M. Bérenger ne s’est pas moins attaché à obtenir ces adoucissemens qu’à assurer celui de la célèbre surveillance de la haute police. Là, comme ailleurs, on peut croire qu’il ne sacrifiait rien des droits de la défense sociale et des devoirs de la répression. Le rapporteur de la loi nouvelle, devant l’Assemblée nationale, M. Félix Voisin, l’avait très heureusement résumée le 25 novembre 1872 ; il avait montré en quoi elle améliorait et la législation de 1810, et celle de 1832, et celle même de 1851, comment elle renonçait à des mesures qui ne provoquaient que trop soit à une sorte de vagabondage officiel, soit à une répétition constante du délit de rupture de ban. Elle voulait que le surveillé fût établi dans une résidence fixe, mais de cette résidence elle lui laissait le choix, sous contrôle bien entendu. Quelques représentans eussent voulu davantage, par exemple Jules Favre qui, tout en reconnaissant le progrès réalisé, faisait appel, auprès de M. Bérenger, au rôle déjà joué si heureusement par son père. « C’est, répondit très sensément le fils (et il interprétait vraiment la saine tradition), c’est une question de mesure. La société a le droit de se défendre : ce droit est d’autant plus indéniable, si c’est, non par des mesures arbitraires de la police, mais par l’effet d’une condamnation régulière qu’il est prononcé. Mais, je le répète, ce droit cesserait s’il venait à faire peser, sur un homme qui ne serait pas jugé absolument indigne, un joug de fer qui pourrait, au lieu de le détourner du crime, le porter à le commettre. »

Instruction criminelle, droit de sursis, casier judiciaire, surveillance de la haute police, tout cela touche plus à la procédure qu’à la législation criminelle proprement dite. La contribution de M. Bérenger à cette dernière tâche fut surtout signalée au public par des propositions de détail et par la discussion de nombreux amendemens. Mais quoiqu’il ne fût, à proprement parler, ni théoricien, ni sociologue, ni philosophe, il eut le mérite d’esquisser en quelques mots toute une méthode dont la formule mérite d’échapper à l’oubli. Dans un de ses discours (1889), sur la loi du casier judiciaire, je retrouve ce