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France 25 000 ou 30 000 orphelins sans surveillance et sans protection légale.

En sens inverse, il n’est pas malaisé de voir que, comme le suggérait très bien M. Bérenger, il n’est pas juste de s’en tenir étroitement à des définitions qui posent abstraitement devant la société le prévenu, le condamné, le libéré, le surveillé, le récidiviste, — comme il y en a une qui pose « l’homme ayant reconnu un enfant…, » même quand cet enfant est né à une époque telle qu’il ne peut être qu’un père fictif et d’occasion.

Pour échapper à ces excès ou de sévérité ou d’indulgence, M. Bérenger avait bien vu qu’il ne faut pas se contenter des méthodes juridiques ; il faut y ajouter celles du patronage et celles de l’assistance, mais en les employant selon l’esprit, dans les conditions, avec les garanties qui doivent les rendre efficaces.

La première de ces garanties était bien pour lui la liberté de la charité. La discussion qu’il eut un jour avec le sénateur Tolain a montré avec quelle largeur et en même temps quelle prudence il l’entendait. Il avait à critiquer l’établissement d’un comité départemental, muni, en matière d’assistance, d’attributions quasi illimitées, les membres du comité n’agissant qu’au nom et avec la permission du préfet. Il n’eut pas de peine à démontrer que c’était là l’annihilation du dévouement libre et de ses œuvres.

« Alors, interrompit Tolain, c’est la négation du contrôle ? » La réponse fut topique : « Mais non, ce n’est pas la négation du contrôle. Mon amendement le dit assez. Mon but est précisément de transformer ce comité départemental en comité de surveillance et de contrôle. On veut en faire une sorte de direction officielle d’assistance nationale[1], imposant sa volonté à tout le monde, pouvant donner les enfans et les retirer… On arrive ainsi à la conception socialiste de l’Etat maître de tout, se saisissant de tout, et distribuant la charité comme il voudrait qu’on pût régler la richesse et le travail. »

  1. Il se séparait là, par d’assez fortes nuances, de son confrère et ami Théophile Roussel, qu’il a d’ailleurs très dignement loué dans un de ses discours de l’Institut.