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prennent les échafaudages pour le monument, si bien que, le monument, ils ne songent pas à l’édifier : il faut les voir, dans leurs chantiers, farouches et terriblement revêches !…

Au chapitre de l’hellénisme, M. Alfred Croiset note que, durant le XVIIe siècle, on vit malheureusement se séparer le goût littéraire et l’érudition ; celle-ci paraissait « trop éloignée de la politesse. » Or, en ces dernières années, pareillement, divers lettrés ont protesté avec beaucoup de zèle contre l’érudition forcenée. Lettrés, ils ne devaient pas traiter mal l’érudition, qui protège la littérature ; la philologie, pieuse et qui restitue aux belles œuvres du passé leur beauté première ; la précieuse adresse des chercheurs qui, dans le fatras et la poussière, trouvent des merveilles imprévues ; la patience des commentateurs qui nous permettent d’entendre mieux la pensée ancienne et qui multiplient, de cette façon, nos plaisirs. Mais ils ont bien fait de réagir contre les fureurs de l’inutile érudition. Et il est incontestable que l’inutile érudition commençait de nous envahir. Si l’on en doute, qu’on lise, dans La Science française, le chapitre intitulé : « Les études sur la littérature française moderne, » par M. Gustave Lanson, dont le mérite n’est pas en cause. « L’esprit qui a organisé le travail des trente ou quarante dernières années a été analysé par M. Gustave Lanson, La méthode de l’histoire littéraire, dans le volume publié sous la direction de M. E. Borel, qui a pour titre : De la méthode dans les sciences, 2e série, 1911. » Qu’on lise La méthode de l’histoire littéraire. On y remarquera les sages conseils que donne le professeur à son disciple : « Connaître un texte, c’est d’abord savoir son existence… Connaître un texte, c’est ensuite s’être posé à son sujet un certain nombre de questions… » Il y a neuf questions ; etc. Sages conseils, anodins en général, et formulés avec une rigueur excessive. Qu’on lise La méthode de l’histoire littérale ; et l’on connaîtra les fureurs de l’inutile érudition. Sans érudition, le goût littéraire s’anémie ; et, refuser l’érudition, c’est se priver de mille aubaines. Mais l’érudition qui s’évertue est cocasse ; et l’érudition toute seule est absurde. On voudrait, en outre, que, jointe à la littérature, elle fût un peu gracieuse, un peu aimable, un peu amusante et ne négligeât pas de considérer que la littérature et elle, sa servante, n’ont pas de meilleur objet que notre divertissement. Une érudition qui attriste la littérature ou la renfrogne, c’est pitié.


Si quelque pédantisme a pénétré dans nos « études, » je ne crois pas qu’il ait encore fait de dégâts ; et l’intrus sera vite éliminé. Ce qui